Hicheur : “j’étais le pigeon providentiel”

Le 2 juillet 2012

Physicien de haut niveau, Adlène Hicheur a été condamné le 5 mai dernier à cinq ans de prison pour terrorisme, au terme d'une instruction plutôt curieuse. Il est sorti de prison le 15 mai. Dans cette première interview, accordée à Owni, Hicheur dénonce, non sans arguments, la construction d'un dossier à charge. "De l'inquisitoire, pas du judiciaire" explique-t-il.

Adlène Hicheur est sorti de prison. Le 15 mai au matin, le conseiller d’insertion et de probation suggère que sa détention pourrait prendre fin “très prochainement”. Le soir même, il est dehors. Il aura passé plus de deux ans et demi à la maison d’arrêt de Fresnes, maintenu en détention provisoire toute la durée de l’instruction.

Physicien au Centre européen de recherche en nucléaire (Cern), ce physicien de haut niveau a été arrêté le 8 octobre 2009 au domicile de ses parents, à Vienne dans l’Isère. Les mots-clés fusent alors dans la presse : physicien, nucléaire, Al Qaida. Terrorisme. À l’issue de sa garde à vue, Adlène Hicheur est mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Ses activités sur Internet sont dans la ligne de mire des enquêteurs. Lui dénonce depuis le début un dossier vide, instrumentalisé à des fins politiques.

Le parfait terroriste physicien

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Il a accepté de répondre à Owni, d’évoquer sa détention, sa relation avec les enquêteurs puis les magistrats, mais aussi les curiosités de cette affaire, notamment l’identité de son mystérieux correspondant, un certain Phoenix Shadow. Les services antiterroristes en sont persuadés : derrière se cacherait un cadre d’Al Qaida au Maghreb (Aqmi), Moustapha Debchi, mais la preuve de cette équation n’a jamais été apportée.

Condamné le 5 mai à cinq ans de prison, dont un an avec sursis, il est sorti à la faveur de remise de peine. Sans attendre, il a repris contact avec ses anciens collègues, pour éviter “de sombrer dans la dépression”. Ultime bataille, il tente de faire rectifier sa page Wikipedia : “Une vie ne peut pas se résumer à un fait divers”.

Quelle a été votre réaction à l’annonce du jugement ?

Aucune surprise. J’avais vu le déroulement de l’instruction, j’avais vu qu’on avait fait de moi une victime expiatoire d’une certaine politique. C’est le paradigme du bouc-émissaire : on prend une personne qu’on charge du point de vue symbolique et on l’immole rituellement devant la société. Je ne me faisais aucune illusion, je voulais seulement être jugé rapidement pour que la détention provisoire cesse, pour ma famille, pour moi.

Le système a tenu à aller jusqu’au bout parce qu’il fallait envoyer des messages forts à la société. Ce mode de gouvernance est très dangereux. J’appelle ça de l’aliénation sécuritaire. Ça tue le génie créatif, l’épanouissement intellectuel. Mieux vaut agiter des chimères que faire face à ses propres carences. Dans leur tribune les gens de Tarnac l’ont très bien dit : la peur est le sentiment le plus facile à instrumentaliser.

La peur, l’inconnu, l’ignorance : les trois se tiennent. Les apprentis sorciers sont incapables de résoudre des problèmes sur des sujets sérieux comme le chômage, mais ils sont les premiers à agiter la matraque. Mon cas met à nu leur prétention de respecter les gens qui travaillent. Je suis l’exemple typique de taulier au travail, de personne qui se lève tôt. Ma vie est brisée pour des éléments qui n’auraient jamais conduit à une incarcération dans un autre pays. Ça devrait mettre la puce à l’oreille à tout le monde, même des gens qui n’ont pas la même culture politique que moi. On commence par les uns et on va ensuite vers les autres. C’est exactement la logique d’un système totalitaire.

Le tribunal a aussi prononcé la confiscation des saisies d’argent liquide, environ 15.000 euros, et du matériel informatique.

La saisie de l’argent liquide c’est du vol institutionnalisé, la saisie de mon matériel informatique un assassinat intellectuel. J’avais des centaines d’heures de travail dessus ! Des idées, des articles, des cours, des données scientifiques…

Vous étiez poursuivi pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, pour financement du terroriste et pour avoir diffusé de la propagande, ce que le procureur désignait sous l’expression “jihad médiatique”.

C’est vraiment de la surenchère. Je n’ai pas de site, pas de blog. Je n’ai intégré aucun projet médiatique contrairement à ce qui a été dit. J’ai interagi en tant que user (utilisateur) sur des forums, échangeant des opinions. C’est vraiment de la mauvaise foi de l’accusation ! Qu’est-ce qu’ils appellent jihad médiatique ? C’est un peu vague… Ce qui peut leur poser problème, c’est que des groupes, disons politico-militaires pour rester technique, fassent des reportages sur leurs activités et les publient. L’expression fourre-tout, d’après ce que j’ai compris, permet de toucher toute personne qui aurait accès à un moment ou à un autre à des publications de ces organes médiatiques.

Est-ce que traduire ce genre de publications en citant la source constitue du jihad médiatique ? C’est très vicieux de rechercher des actes positifs qui constituent des incriminations, surtout au vue des conséquences terribles ! N’importe quel journaliste peut être amené à faire ce genre de travail sans pour autant faire partie de l’organe médiatique ou approuver ce qu’il traduit. Pour en arriver là, il faut vraiment qu’il n’y ait rien dans le dossier. C’est grotesque et ridicule. Ils ont essayé de m’avoir a minima.

Vos défenseurs avaient dénoncé une instruction à charge, mais à la veille du procès, Me Baudouin, votre avocat, s’en remettait à l’indépendance de la Cour et au regard nouveau qu’elle poserait sur votre dossier.

La 14e chambre correctionnelle du TGI de Paris ne juge pas, elle condamne.

Hicheur bon terroriste confirmé

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Il avait également pointé la façon dont la président, Mme Rebeyrotte, menait la séance.

Il n’y a pas eu de questions sur des points précis, pas de débat contradictoire. Ce n’était pas un procès mais un rouleau compresseur visant à asphyxier la défense. Plusieurs griefs étaient lus pendant 20 ou 30 minutes et je n’avais pas le temps de répondre. Pour moi, la condamnation n’a pas été prononcée par la justice mais par la police. La police me voulait, me voulait condamné.

Dans les institutions d’un État qui se respecte, il existe des contre-pouvoirs qui peuvent arrêter ce genre de bêtises. Le grand public retient des mots-clés : “musulman”, “physicien”, “Al Qaida”. Ça relève de la psychologie de masse.

Quelles relations aviez-vous avec le juge d’instruction, Christophe Teissier ? Dans un entretien accordé à Mediapart, vous évoquiez une audition “stérile et sans intérêt”.

Les mêmes éléments revenaient sans arrêt. Au début, j’étais naïf. Je pensais qu’au moins un ou deux magistrats constateraient le vide du dossier et décideraient d’arrêter. Petit à petit j’ai découvert la justice française, la chape de plomb qui vous tombe dessus. La mauvaise volonté se mêle à la mauvaise foi. Et là on comprend qu’on est entre de très mauvaises mains.

J’avais en tête que le magistrat n’était pas un flic, même si la réputation du pôle antiterroriste n’est plus à faire… J’avais espoir qu’on revienne à un peu de sagesse ou à défaut d’équité : quand il n’y a rien, il n’y a rien. Il a joué le rôle d’un flic main dans la main avec le procureur.

“Et ils s’acharnent, ils s’acharnent”

Comment se sont passés les interrogatoires pendant votre garde à vue ?

Mal. Le rapport voyous-braves gens était inversé : les voyous c’était eux ! Parfois, les insultes fusaient. Les policiers utilisaient mon frère, la santé de ma mère pour faire pression sur moi pendant ma garde à vue. Ils ressemblent à des psychopathes hystériques tout excités. Peut-être parce qu’ils sont toute l’année dans un bureau à se croiser les doigts… Dès qu’ils peuvent avoir un os à ronger, toutes les frustrations de leur quotidien – pas terrible d’ailleurs – se déchargent sur vous.

Les gens de Tarnac l’ont bien compris. Ils sont passés par la machine. Ils ont souffert de la même chose que moi : l’acharnement policier. Il en faut peu. Deux ou trois officiers se montent la tête, au bout d’un moment c’est comme si vous leur apparteniez, et ils s’acharnent, ils s’acharnent. Et puis, des carrières sont en jeu… Dans mon affaire, il y a eu au moins une promotion avérée : les grades changent entre les PV de début et de fin. Utiliser les moyens de l’État pour faire du mal à quelqu’un est d’une lâcheté sans nom.

Sous quelle forme avez-vous ressenti ce “déchargement” ?

Le ton, l’excitation. En garde à vue, on m’a dit : “vous allez perdre votre boulot, vous ne serez plus physicien, vous ne serez plus au Cern”. C’est d’un cynisme total ! Les gars sont assurés de leurs pleins pouvoirs. Il y avait un plaisir à me faire perdre un certain statut social, l’un des chenapans l’a exprimé ouvertement. Ça tranche avec le comportement des deux enquêteurs suisses qui sont venus m’interroger en septembre 2010. C’était des gens très posés, très carrés. Ils ont fait leur boulot sans tout ce cinéma.

Des détails très ténus sont montés en épingle : le plus choquant est sans doute les questions sur la pratique religieuse. Pourquoi on me demande si je prie ou si je jeûne dans le cadre d’une enquête judiciaire ? On évoque la vie et la culture familiales. Je réponds que nous sommes proches de la religion musulmane tout en étant ouverts. Ensuite les questions dévient sur des situations politiques, en Irak en Afghanistan. Jamais j’aurais pensé à ce moment-là que mes réponses seraient utilisées dans le réquisitoire. C’est de l’inquisitoire, pas du judiciaire.

Lorsque le procureur vous avait demandé si vous étiez salafiste, lors du procès, vous lui avez répondu qu’il faudrait une thèse de doctorat pour en parler.

Je trouve étonnant qu’un tribunal chargé de caractériser une infraction pénale parle de salafisme. On balance les slogans, des chimères, des sorcières. Je peux parler en détails des tendances et mouvances dans le monde musulman. J’ai beaucoup lu et c’est frustrant d’avoir affaire à des gens qui ne sont pas très au fait mais utilisent ça comme outil de guerre psychologique. C’est chasser toute rationalité à l’affaire pour garder l’irrationnel qui excite les cordes de l’opinion publique.

Il y a des raccourcis un peu simplistes du genre “salafisme = activité armée”. Les Frères musulmans ne sont pas salafistes mais ont des branches armées dans différents pays. Les Taliban n’ont rien à voir avec les salafistes. C’est beaucoup plus compliqué que le simplisme présenté au public.

Vous étiez interrogé par des agents de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) ?

Par deux binômes d’agents de la DCRI. Un de jour, un de nuit. J’avais l’impression qu’ils avaient découvert un filon : le filon Internet. Avec Internet, il n’y a pas de filature, de planques avec le thermos… Sur Internet, les ingénieurs se bloquent sur l’IP et interceptent le flux. En parallèle, les policiers peuvent même jouer aux jeux vidéo dans un bureau à côté à Levallois.

Ivan Colonna dans la cellule à côté

Comment s’est passée votre détention à Fresnes ?

L’administration est stricte, zélée même. Les cours de promenade sont minuscules, 40m2. Personne ne peut s’imaginer les affres de la détention : ce sont des familles brisées, des couples désunis, des épouses qui pleurent dans les parloirs, des mamans qui ne mangent plus. C’est contre-productif comme disait Me Baudouin. Plus une politique sécuritaire est coercitive, plus elle crée de la violence et de l’instabilité.

Dans quel quartier étiez-vous à Fresnes ?

Au début, j’étais à l’hôpital pénitentiaire en raison de mon état de santé. J’y suis resté quatre mois. Puis j’ai été transféré en 3e division du quartier principal.

Vos codétenus étaient des mis en examen ou des condamnés dans des affaires similaires ?

Après l’hôpital pénitentiaire, j’étais dans la 3e division Sud, au rez-de-chaussée avec tous les malades : 90% sont des cas psychiatriques, dont certains très graves. J’y suis resté presque un an. Je n’ai jamais vu autant de misère humaine de ma vie. J’avais le rôle de Jack Nicholson dans Vol au-dessus d’un nid de coucous.
Ensuite j’ai été transféré au Nord, toujours au rez-de-chaussée. J’ai croisé différents types de profils, essentiellement du banditisme et un seul cas politique, c’était Ivan Colonna. Il était dans la cellule à côté.

Pas d’autres personnes impliquées dans des affaires terroristes ?

Dans les autres activités, comme le terrain de sport, j’ai croisé des Basques et d’autres Corses.

Quel genre de relations aviez-vous avec eux ?

Un esprit de camaraderie de prison. J’ai aussi ressenti beaucoup de compassion. Personne n’est dupe en prison, tout le monde connaît bien le système, ils savent décoder l’actualité. J’ai senti de la révolte aussi, des droits communs notamment. Le discours : “si vous aviez fait des études, vous ne seriez pas là” était faux. Eux se retrouvaient avec plus de droits que moi, qui ai pourtant fait beaucoup d’études !

Avez-vous fait appel à une solidarité confessionnelle pour “cantiner” ou autre ?

J’interagis avec les gens selon un seul critère : qu’ils soient réglos. J’ai partagé de bons moments avec des gens très différents de moi tant qu’ils sont agréables et pas nuisibles. On est tous dans le pétrin ! Quand quelqu’un manque d’un produit, on lui donne et vice versa. C’est quasiment automatique.

Tous les détenus n’ont pas de doctorat en physique des particules. Comment s’est passé votre détention de ce point de vue ?

J’ai lu quelques bouquins, dont La force de l’ordre de Didier Fassin sur la police anti-criminalité et Les veines ouvertes de l’Amérique latine qui m’a marqué. Des ouvrages scientifiques aussi pour m’entretenir. J’ai réussi à tenir les 20 premiers mois, à travailler, à être efficace. Ensuite, je fatiguais.

J’ai eu du mal à m’ajuster à la mentalité de la prison. L’administration pénitentiaire avait elle du mal à voir sous quel registre me gérer. L’aspect sécuritaire et disciplinaire des peines fait que les détenus particulièrement surveillés (DPS) et de la catégorie “mouvance” ont des fouilles régulières des cellules et une fouille à corps intégrale, ce qui est particulièrement humiliant et parfaitement illégal. Il y a une volonté politique de rendre la détention préventive la plus pénible possible pour user la personne. C’est ainsi à Fresnes en tout cas.

La notion du châtiment douloureux est très forte en France. Certains personnels de l’administration pénitentiaire font sentir qu’ils sont là pour être odieux. Les surveillants sont très jeunes, et tout dépend de leur caractère et de leur humeur. C’est un jeu : celui qui s’énerve perd la partie.

Pigeon providentiel

Dès les premiers jours de votre arrestation, des articles utilisaient les mots clés “terroriste”, “physicien”, “nucléaire” dans leur titre. Quand avez-vous appris cette médiatisation, très forte dès le début ?

Je suis passé en comparution médiatique immédiate. Le circuit passe par la police, le ministère de l’intérieur et la Présidence, puis redescend dans les médias qu’ils connaissent et choisissent. Mes parents sont venus à mon premier parloir, ils m’ont raconté verbalement. J’étais coupé du monde jusque-là.

Quand j’ai réalisé, j’étais dépressif. J’ai compris que s’ils avaient fait ce bruit-là, rien ne les arrêterait. J’ai réalisé l’ampleur de l’entourloupe : j’étais le pigeon providentiel.

La médiatisation d’une personne privée qui ne l’a pas choisie est d’une grande violence psychologique. L’instrumentalisation des médias est très puissante, même un “ange qui marche sur terre” se ferait détruire. Je suis frappé du sceau des parias, pour que je ne puisse pas me refaire, pour que je sois précaire le restant de mes jours. On verra, je ne suis pas prêt à baisser les bras, je veux me refaire, tant bien que mal.

Vous avez été présenté comme la figure du loup solitaire par certains responsables de la lutte antiterroriste.

Dans le passé, ils avaient au minimum des bandes de copains à qui on pouvait reprocher, ou pas – je ne sais pas – une certaine forme de prosélytisme. Il y avait des points d’ancrage pour donner l’illusion. Pas dans mon cas. Il y a un gars qui a étudié toute sa jeunesse, qui travaille, qui vit dans un environnement rural. Jamais j’aurais pensé qu’on arriverait à de tels extrêmes à partir de rien. C’est une dérive dans la dérive.

Ils ont été obligés de créer un profil artificiel pour justifier toute la mascarade. Il n’appartient pas à un groupe ? Il vit tout seul ? Ce sera le loup solitaire par exemple. La rhétorique ancienne ne pouvait pas fonctionner.

En s’appuyant sur votre utilisation d’Internet ?

Oui, mais le plus grave c’est l’idée qui se dégage de l’expression loup solitaire. On imagine quelqu’un qui vit reclus. C’est faux. Je travaillais dans le cadre de collaboration internationale, j’avais affaire à des centaines de personnes quasi-quotidiennement au Cern. Plusieurs milliers de physiciens de nationalités différentes travaillent ensemble. Aucun outil de sociabilité n’est aussi fort ! Il faut s’adapter à toutes les cultures, à tous les tempéraments, à toutes les personnalités.

Cette partie a été zappée dans les médias. La personne réelle disparaît au profil d’un clone, d’un hologramme, habillé de toutes les caractéristiques pour vendre la justice à l’opinion publique. Il y avait une feuille blanche, immaculée, avec un bon cursus scolaire et universitaire. C’était un défi de construire une intrigue à partir de mon vécu ! Personne dans mon entourage familial, professionnel, de mon voisinage ne voulait me “salir”. Alors ils sont allés chercher des internautes avec qui j’avais interagi il y a x années.

Pourquoi acceptez-vous de parler aujourd’hui ?

Je ne parle pas à tout le monde. Je considère que ça peut être productif ou positif, mais à dose homéopathique. S’il fallait tout dire, on pourrait noircir des pages.

Désintégration morale

Comment voyez-vous votre avenir maintenant ?

Difficile. Par nature, j’ai tendance à être prudent. Dans un premier temps, je n’accepte pas qu’on me démissionne de ma passion et de mon gagne-pain par “la force des mitraillettes” comme dirait Louis de Funès. Si je devais quitter le milieu scientifique ou la physique des particules, ce serait de mon propre chef. Utiliser le sécuritaire pour me faire basculer dans la précarité dépasse une procédure de sanction pénale – déjà injuste – pour me faire entrer dans un processus de désintégration morale. Je n’accepte pas que la force publique me coupe de ma passion pour laquelle j’ai sacrifié ma jeunesse. Il faut être réaliste et voir comment rebondir. Je prospecte, rien n’est défini. J’ignore si la campagne a influencé les employeurs, je veux d’abord briser cet embargo.

Vous avez été soutenu par votre milieu professionnel.

Oui, la solidarité est venue des scientifiques, mais il reste le milieu administratif. Je n’ai pas de visibilité dessus.

Et l’Algérie, dont vous avez également la nationalité ?

C’est un grand point d’interrogation. Il est trop tôt pour le dire.

C’est en Algérie que vivrait Phoenix Shadow, la personne avec qui vous correspondiez. Lors du procès, vous avez dit qu’on vous présentait un pseudo et un nom, comme une équation à deux inconnues, et qu’on vous demandait d’affirmer que l’un correspond à l’autre.

Dès le début de l’instruction, les avocats n’ont eu de cesse de demander d’où venait ce nom, Moustapha Debchi. A aucun moment, l’explication n’a été fournie. Pour mon cas, l’adresse IP renvoie à une connexion Internet etc. En face, un nom est balancé sans justification, sans preuve.

A aucun moment vous ne connaissiez l’identité de la personne derrière le pseudo Phoenix Shadow ?
Réponses clés en main pour la DCRI

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Phoenix Shadow restait Phoenix Shadow, point à la ligne. Il n’y a pas eu de connaissance, de volonté de connaissance. C’était une interaction contingente à un moment donné utilisée des mois plus tard. Je pense qu’au début on voulait me coller à l’affaire des filières belgo-afghanes. Je l’ai senti pendant la garde à vue. Trop peu d’éléments existaient alors que le scénario aurait été terrible : un scientifique dans l’affaire des filières !

Puis, les questions ont évolué au fil de la garde à vue, en fonction de l’exploitation de mon disque dur. Les questions se sont réorientées vers Aqmi. Il n’y a vraiment que dans l’antiterrorisme que ça se passe ainsi. Normalement, quand une personne est placée en garde à vue, il faut lui signifier le chef de mise en garde à vue et remplir le cas d’espèce, ce qui lui est reproché. Moi, il n’y avait rien ! Le chef de mise en garde à vue était “présomption grave d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste”, mais la suite était vide, blanche.

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