OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les Data en Forme http://owni.fr/2012/08/07/les-data-en-forme-episode42/ http://owni.fr/2012/08/07/les-data-en-forme-episode42/#comments Tue, 07 Aug 2012 13:18:27 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=117626 Les Jeux Olympiques ne cessent d’inspirer les datajournalistes et autres manipulateurs de données. La toile nous a donc livré cette semaine un joli lot de visualisations pour des datavacances très sportives.

Anneaux olympiques

On commence avec Gustavo Sousa qui nous offre (via Fubiz) un concept original et minimaliste pour une infographie particulièrement réussie. Jouant avec les anneaux olympiques (un anneau représentant un continent), cette création met en perspectives différentes données dont le nombre de prisonniers, la mortalité infantile, les ventes de délicieux soda ou encore les propriétaires d’armes à feu.

Les anneaux grossissent et diminuent en fonction des chiffres et nous laissent percevoir la différence notable de porteurs de HIV entre l’Afrique et le reste du monde, ou encore le nombre considérable de McDonalds en Amérique face aux autres continents.


Beijing vs London

On poursuit avec une nouvelle application du Guardian, qui nous propose de comparer au jour le jour les résultats des JO de Londres et ceux de Pékin pour les six pays ayant remporté le plus de médailles en 2008 (Royaume-Uni, États-Unis, Russie, Chine, Australie et Allemagne).

Ainsi, à l’issue du 9e jour (ce lundi), on remarque que le Royaume-Uni a déjà 12 médailles d’avance par rapport au même stade de la compétition il y a 4 ans. Les États-Unis ont pour leur part 5 médailles de retard mais déjà 9 médailles d’or de plus. Une visualisation interactive claire à consulter régulièrement afin de comparer les performances des pays entre deux olympiades.

Qui sont les athlètes?

Le Guardian a également entrepris de faire, avec Tableau, un panorama des 11 000 athlètes participant aux JO de Londres en fonction de leur âge, de leur taille et de leur poids. Si la visualisation, réalisée par Craig Bloodworth, se révèle particulièrement instructive, elle manque cependant d’attractivité.

Pour commencer l’internaute doit choisir une discipline parmi les pictogrammes. Les courbes permettent d’observer les moyennes à l’échelle mondiale selon le sport choisi. Les lignes de points interactifs répertorient tous les sportifs en distinguant une ligne pour les hommes et une pour les femmes, et en les classant dans un ordre croissant en fonction des filtres proposés. Enfin, une carte permet de voir les moyennes à l’échelle des pays.

Ainsi la moyenne d’âge des athlètes féminines en aviron est de 25 ans, tout comme celui des athlètes masculins. Kristin Hedstrom en compétition pour l’Angleterre et Anthony Fahden en compétition pour les États-Unis entrent dans cette moyenne. Les États-Unis ont pour leur part une moyenne d’âge de 26 ans pour l’ensemble de leurs rameurs.

Records

On enchaîne avec un histogramme interactif très complet retraçant les records du monde atteints lors des compétitions d’été depuis 1900. Chaque record est ici représenté par des points de couleurs différentes en fonction des disciplines sportives. Deux onglets permettent de faire ressortir les records établis par des hommes et ceux établis par des femmes. Un dernier onglet offre la possibilité de ne faire apparaître que les records établis lors des Jeux Olympiques d’été.

On découvre ainsi que 1976, 1999 et 2008 sont les années ayant enregistré un maximum de records. Un clic sur l’un d’eux fait apparaitre la courbe de l’évolution du record de la discipline sportive en question. Il est également possible de voir ce classement en fonction des disciplines et de la durée des records. Enfin, un motion chart appliqué à une carte permet de mettre en valeur les pays ayant comptabilisé le plus de records du monde depuis 1900.

#JO2012

Tout à fait impressionnant, Emoto nous permet de suivre les réactions et les sentiments de la twittosphère concernant les Jeux olympiques en direct. Sous forme de petits rectangles colorés défilant rapidement sur l’écran, les messages de 140 caractères fusent. Certains apparaissent plus lentement et laissent le temps à l’internaute de lire. Les tweets préalablement analysés par Emoto permettent ainsi de visualiser les sujets les plus discutés des JO 2012.

Le meilleur de son temps… dans le bassin

Le New York Times a décidé de mettre en compétition tous les médaillés d’or olympiques du 100m homme nage libre depuis 1896. En tête de cette compétition atemporelle : le Français Alain Bernard. Une animation en 3D très pédagogique accompagne cette visualisation sous forme de nuage de points afin d’en expliquer l’intérêt.

Ainsi, Alfred Hajos a remporté la course en 1896 avec un temps de 1″22. Face à tous les autres gagnants, le champion arrive loin derrière. Ce sont en effet 42 mètres qui le sépare d’Alain Bernard, vainqueur de la course en 2008. Grâce aux nouvelles technologies et à l’amélioration des méthodes d’entrainement, notamment pendant la guerre froide, les nageurs olympiques ont gagné une seconde tous les huit ans.


Le meilleur de son temps… sur la piste

Mais, à l’instar du Guardian remonté comme une pendule, le New York Times ne s’arrête pas là. Sur le même principe, ils se sont penchés sur les résultats du 100 mètres homme d’athlétisme. Cette compétition atemporelle sacre Usain Bolt, qui vient de remporter pour la seconde fois l’or aux JO de Londres.

Accompagné là encore d’une animation très réussie, on y apprend que le record du 100 mètres pour un enfant de 8 ans aujourd’hui correspond à la médaille de bronze aux Jeux d’Athènes en 1896. Un travail particulièrement impressionnant mêlant 3D et data.

Bonne data-semaine à tous !


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Les droits chemins du Superbowl http://owni.fr/2012/02/15/les-droits-chemins-du-superbowl/ http://owni.fr/2012/02/15/les-droits-chemins-du-superbowl/#comments Wed, 15 Feb 2012 12:14:42 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=98512

La semaine dernière avait lieu aux Etats-Unis le 46ème Super Bowl, la finale du championnat national de football américain, qui a vu la victoire à l’arrachée des New York Giants sur les New England Patriots.

En plus d’être un grand rendez-vous sportif, le Super Bowl constitue chaque année l’un des plus importants événements médiatiques au monde, avec en 2012 plus de 111 millions de téléspectateurs aux Etats-Unis et 12 000 tweets par seconde dans les dernières minutes de la rencontre. Pour profiter de cette audience monstre, les annonceurs publicitaires étaient prêts à débourser 4 millions de dollars pour 30 secondes de passage à l’antenne et pour couronner le tout, le show de la mi-temps fut pimenté par une prestation de Madonna en personne.

Mais le spectacle sur le terrain pourrait bien se prolonger par une troisième mi-temps animée… dans les prétoires ! En jetant un oeil dans les coulisses juridiques du Super Bowl, on se rend en effet compte que cet évènement est littéralement saturé de propriété intellectuelle, depuis les logos sur les casques des joueurs jusqu’à la musique des publicités en passant par le nom “Super Bowl” lui-même !

La National Football Ligue (NFL) annonce d’ailleurs clairement la couleur dans ses spots vidéo, qui sont précédés par un avertissement de copyright particulièrement intimidant.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Cette année, un petit vent de Copyright Madness devait souffler dans l’air, car on a pu assister avant, pendant et après le match à un feu d’artifice d’accusations de plagiats et de menaces de procès. Un maelström contentieux,  révélateur des pathologies de la propriété intellectuelle et qui soulève cette question : mais comment avons-nous pu en arriver là ?Operation Fake Sweep : plus de 300 sites web débranchés par le FBI…

La semaine précédent le Super Bowl, les agents du FBI ont fait du zèle en déconnectant 16 sites spécialisés dans la diffusion illégale d’évènements sportifs en streaming et 291 sites vendant des contrefaçons d’articles de sports. Operation Fake Sweep (d’après le nom d’une tactique au football américain), ce “coup de filet” numérique s’appuie sur des dispositions législatives datant des années 70, conçues à l’origine pour permettre aux agents fédéraux de saisir les propriétés des dealers de drogues. Comme dans l’affaire MegaUpload, le FBI s’est emparé des noms de domaine des sites susceptibles de violer les droits de la NFL. Sur les sites dégommés, figurent aujourd’hui des badges rappelant le prix à payer pour la violation du copyright ou encore des vidéos “pédagogiques” sur les dangers de la piraterie…

Les parallèles avec l’affaire MegaUpload ne s’arrêtent pas là, puisqu’un américain de 28 ans, Yonjo Quiroa, a été arrêté dans le Michigan le 2 février, pour avoir mis en place neuf sites de streaming diffusant illégalement des programmes sportifs protégés. A l’instar de Kim Dotcom, ce “pirate du sport” risque cinq années de prison pour violation des lois fédérales.

Cette action du FBI intervient alors que le Super Bowl était cette année pour la première fois officiellement diffusé par NBC en streaming sur Internet. L’ironie veut que l’un des joueurs vedettes d’une des équipes participant à la finale, Tom Brady le quaterback des Patriots, a admis qu’il avait déjà regardé le Super Bowl en ligne l’année dernière à partir d’un site pirate, alors qu’il se remettait d’une blessure au Costa Rica…

Pour plusieurs commentateurs, cette Operation Fake Sweep prouve une nouvelle fois que le gouvernement fédéral américain, même sans le vote des lois SOPA/PIPA, dispose d’un arsenal juridique suffisant pour faire tomber à peu près n’importe quel site Internet, au nom de la protection de la propriété intellectuelle.

Imbroglio juridique autour des publicités du Super Bowl 46

Les publicités diffusées lors du Super Bowl représentent un enjeu énorme pour les firmes qui sont prêtes à payer les sommes astronomiques demandées pour quelques secondes d’apparition lors du Big Game. Mais les choses peuvent devenir un peu plus compliquées lorsque le copyright s’en mêle…

La firme automobile Chrysler avait par exemple cette année décidé de “mettre le paquet”, avec son spot “Halftime in America” dans lequel joue Clint Eastwood, programmé au moment stratégique de la mi-temps.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La diffusion devait être couplée avec une campagne virale de promotion sur Internet, notamment par le biais de YouTube, pour donner un maximum d’impact à la vidéo. Chrysler avait en effet mis en place une carte interactive des Etats-Unis pour suivre pour suivre la propagation de la vidéo sur YouTube et Twitter, avec ce message : “Just one person can start a chain reaction that reaches thousands. Share this video via Facebook or Twitter and watch below as it spreads across the country.”

Sauf que lorsque les spectateurs se sont rués sur YouTube pour partager la vidéo suite à son passage à l’antenne, ils n’ont pu voir que ceci :

Pour des raisons assez obscures, YouTube avait désactivé la vidéo de Chrysler suite à une plainte pour violation de copyright déposée… par la NFL ! Et comme Chrysler utilisait le player de YouTube sur son propre site, il n’était même pas possible d’y voir là sa propre vidéo ! Le spot a été remis en ligne depuis, mais cet énorme fail trouve certainement son explication dans une requête automatique envoyée par la NFL pour faire désactiver par YouTube toutes les vidéos dont le titre comportait le mot “Halftime”, afin d’empêcher les diffusions pirates du show de la mi-temps… Bienvenue dans le monde merveilleux de l’application automatique des règles du copyright !

Les mésaventures juridiques des publicités du Super Bowl ne s’arrêtent pas là cette année, puisque Danone a également connut des problèmes sévères, suite à la diffusion de ce spot de promotion d’un yaourt à la grecque :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le groupe australien John Butler Trio a en effet remarqué de troublantes similitudes entre le riff principal de la musique accompagnant cette vidéo et un de ses morceaux, intitulé  Zebra. Même s’il ne s’agit pas d’un usage direct de cet enregistrement, les ressemblances entre les deux morceaux sont visiblement suffisantes pour servir de fondement à une accusation de plagiat et le groupe est en train de fourbir les armes pour attaquer Danone en justice.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Madonna à deux doigts du procès…

Chaque année, une star est invitée à se produire à la mi-temps du Super Bowl dans un grand show à l’américaine. Si Janet Jackson avait fait scandale en 2004 en montrant un petit bout de sein, Madonna cette année a défrayé la chronique à cause d’une plainte assez délirante déposée à son encontre par… un pornographe !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Madonna avait en effet prévu à cette occasion de chanter l’un des morceaux tirés de son album MDNA : “Girls Gone Wild“. Or ce titre reprend celui d’une série de vidéos pornographiques, dont le créateur Joe Francis n’a pas du tout apprécié l’emprunt par Madonna. Ayant judicieusement déposé ce titre comme marque, il a fait valoir que l’interprétation de ce morceau lors du Super Bowl aurait constitué une appropriation fraduleuse des termes, susceptibles de créer une confusion dans l’esprit des consommateurs…

Madonna a un moment envisagé de négocier avec les avocats de Joe Francis pour trouver un terrain d’entente, avant de se décider à retirer ce morceau de la programmation prévue pour la soirée. Mais cela n’a visiblement pas calmé les ardeurs contentieuses du pornographe, qui fort de ce premier succès d’intimidation a décidé de porter plainte pour l’usage des mots Girls Gone Wild comme titre d’une des chansons de l’album MDNA…

Super Bowl : et quelques délires juridiques de plus…

Voilà pour les affaires principales déclenchées par ce Super Bowl 46, mais en creusant davantage, on trouve encore bien d’autres manifestations de délire juridique à se mettre sous la dent. Cette année par exemple, la NFL a mis en place des règles drastiques afin d’encadrer la rediffusion du match… dans les églises évangéliques, manifestation de ferveur visiblement fort prisée aux Etats-Unis ! Entre le respect du droit des marques, la taille et l’emplacement de l’écran, les conditions d’entrée,  autant dire qu’il faut consulter un avocat pour ne pas risquer l’amende…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Pour les particuliers également, la NFL a fixé une règle cocasse selon laquelle vous pouvez organiser une soirée pour voir le match avec vos amis, à condition que votre écran ne dépasse pas 55 pouces, sinon il s’agirait d’une représentation illégale ! Il est également visiblement plus prudent de ne pas prononcer ou d’écrire les mots “Super Bowl”, voire même “Super Sunday” dans les jours qui précèdent le match, car la NFL a enregistré ces termes comme marque et se montre très sourcilleuse sur l’emploi qui en fait. On peut par contre visiblement dire “Big Game” à la place sans risque, puisque la NFL a échoué cette fois à faire protéger ces mots et c’est pourquoi de nombreuses compagnies l’utilisent pour éviter d’avoir à payer des droits astronomiques

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Le Super Bowl constitue vraiment un remarquable concentré des pathologies engendrées par les dérives actuelles du droit de la propriété intellectuelle. Pour goûter complètement le ridicule de la chose, je vous conseille de terminer en allant lire cet article excellent, qui s’interroge sur les rapports entre le copyright et le football américain.

En effet, certains coachs ont visiblement essayé de faire breveter ou de protéger par le copyright des schémas tactiques employés sur le terrain, afin d’empêcher leurs adversaires de les copier (en soutenant qu’ils étaient assimilables à des chorégraphies…). Mais ces prétentions ont heureusement toujours été rejetées et il en résulte que les équipes restent libres d’imiter les tactiques de leurs adversaires pour les retourner contre eux. L’auteur de l’article conclut que loin de constituer un frein à l’innovation, cette liberté de copier pousse les entraîneurs à inventer sans cesse de nouvelles stratégies pour battre leurs adversaires, ce qui fait du football américain un sport vivant, sans cesse en évolution.

En définitive, malgré tout ces délires juridiques, le football américain est  fondamentalement un sport en Open Source. Ironique, non ?


Illustration de la chronique du copyright par Marion Boucharlat pour Owni /-)

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Paris en ligne: le troisième âge d’Amaury ? http://owni.fr/2010/04/08/paris-en-ligne-le-troisieme-age-damaury/ http://owni.fr/2010/04/08/paris-en-ligne-le-troisieme-age-damaury/#comments Thu, 08 Apr 2010 16:28:56 +0000 Vincent Truffy http://owni.fr/?p=11848 41817433_abf3630c2b

Photo CC Flickr hada55

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Les jeux en ligne constitueront une source de revenus supplémentaire espère le groupe qui édite L’Équipe  et Le Parisien, en plus de l’activité historique presse  et de l’organisation de compétitions sportives.

Les députés ont adopté, mardi 6 avril, le projet de loi ouvrant à la concurrence le marché des jeux en ligne. L’opposition parlementaire a beau dénoncer la pression des lobbys, multiplier les amendements, l’enjeu est trop gros pour que le gouvernement laisse passer Roland-Garros (18 mai-6 juin), la Coupe du Monde de football (11 juin-11 juillet) et le Tour de France (3 au 25 juillet).

En 2008, Roland-Garros a généré plus de 400 millions d’euros de paris clandestins, on attend 2 à 3 milliards d’euros de mise pour la Coupe du Monde. Et une cinquantaines de licences devraient être délivrées par la future Autorité de régulation des jeux en ligne.

Parmi ceux-ci, les sites de presse sont nombreux à postuler, espérant compléter par ce moyen leur modèle économique qui bascule progressivement vers le payant :

  • LeMonde.fr a étoffé sa rubrique sportive et lancé une lettre quotidienne spécialisée en expliquant sans détour que « cela (leur) permettra de mettre en place des paris en ligne quand ils seront autorisés » (dixit le patron du site, Philippe Jeannet). À plusieurs reprises, déjà, le site a renvoyé vers SportingBet, qui propose des paris en ligne alors que la Française des Jeux est encore dépositaire du monopole en France.
  • Cinquante journaux régionaux ont lancé un appel d’offres remporté par Betclic, société détenue par Stéphane Courbit. Ils espèrent ainsi « rentabiliser » leur maillage local et leur expertise auprès d’un public potentiel de 17,6 millions de lecteurs.
  • Le Figaro a profité des régionales pour se placer sur le marché des paris en ligne avec Prédipol, un jeu de pronostics des résultats électoraux aux élections régionales et explique aujourd’hui que « malgré un ratage sur le MoDem, les prévisions de Prédipol ont été plus souvent plus proches des résultats du premier tour que les mesures d’intentions de vote des instituts de sondages. Seul Prédipol a anticipé la “surprenante” performance du Front national ». Or en février, Etienne Mougeotte, le directeur des rédactions du Figaro, expliquait qu’en cas de « succès » de ces paris aux régionales, « on lancera Predipol de façon plus forte pour les élections présidentielles. »
  • TF1 s’est associé avec la Française des Jeux pour devenir opérateur de jeux et possède également, en lien avec sa chaîne Eurosport, Eurosport Bet.
  • Et le groupe Amaury (Le Parisien, Aujourd’hui en France, L’Equipe, France Football, L’Équipe TV et autres) s’est allié avec Bwin (dont Bernard Arnault, LVMH, est actionnaire) pour  lancer le site de poker et de paris sportifs Sajoo.  Il discute également avec Zeturf pour les paris hippiques en liaison avec les pronostics du Parisien.

La rentabilité visée d’ici trois ans

À bien des égards, l’exemple d’Amaury est exemplaire du renversement progressif de l’économie de la presse. Le groupe vient de déposer deux demandes de licences d’opérateurs de jeux en ligne et dit viser la rentabilité de cette activité en trois ans. Sajoo.fr (détenu à 55% par Amaury) deviendrait alors le troisième « pied » du groupe à coté de l’activité historique presse et de l’organisation d’événements sportifs.

Depuis longtemps déjà, les journaux organisent des compétitions sportives. C’est une façon pour eux de « créer » l’actualité quand celle-ci fait défaut et de vendre du papier. Le prédécesseur de L’Équipe, L’Auto-Le Vélo a ainsi fabriqué de toutes pièces le Tour de France en 1903, en plein été, à un moment où les journaux sont vides. Fin 1954, c’est encore L’Équipe qui invente la Coupe d’Europe des clubs champions (la future Ligue des Champions) par une série d’articles de Gabriel Hanot et Jacques de Ryswick, avec en point d’orgue, le règlement écrit directement par le directeur de France-Football, Jacques Ferran. Amaury élaborera aussi le Paris-Dakar en 1978 (pour animer la période de Noël, désespérément vide en matchs français), la Coupe du monde de ski alpin (parce qu’une édition des jeux Olympiques d’hiver tous les quatre ans ne suffit pas à maintenir l’intérêt pour le ski),…

Et quand Amaury ne crée pas les compétitions, il invente les trophées qui comptent comme le Ballon d’Or (dont le nom complet est « Ballon d’Or France-Football ») qui distingue tout simplement le meilleur joueur du monde (longtemps limité cependant aux championnats européens).

Pourtant, au tournant des années 1960-1970, lorsque L’Équipe entre dans le groupe Amaury, c’est toujours le sport qui est au service de la vente des journaux. Le Tour de France se contente de dégager un petit bénéfice et surtout beaucoup de diffusion pour les journaux. Tout va changer lorsque Jean-Claude Killy, au sortir des jeux Olympiques d’hiver à Albertville, en 1992, va transformer l’antique Société du Tour de France en une entreprise d’organisation de spectacles sportifs fortement mis en scène, Amaury Sport Organisation.

Juteux partenariats sur le Tour de France

C’est l’époque où les sponsors commencent à rivaliser sérieusement pour bénéficier de la publicité gratuite de trois semaines qu’offre un partenariat sur le maillot jaune (Le Crédit lyonnais le sponsorise depuis 1987), vert (pour le meilleur sprinteur, payé par la Française des Jeux ), à pois (pour le meilleur grimpeur, aujourd’hui dévolu au groupe Carrefour). C’est aussi le moment où explosent les droits de retransmission par la télévision.

D’un coup, alors, c’est l’événement qui fait vivre le groupe et plus le récit qui en est fait par la presse.

Dans le même temps, la presse connaît un engouement pour le journalisme d’investigation, qui ne s’intéresse donc plus à mythifier le sport, mais à en débusquer notamment les tricheries. A partir de 1988 et de la déchéance du héros dopé, Ben Johnson, tous les champions deviennent suspects et les scandales éclatent l’un après l’autre. La presse parasite le spectacle, il menace sa pérennité, il ouvre la voie au doute.

Lance Armstrong, vainqueur multiple du Tour à partir de 1999, va symboliser un tournant américain d’ASO. Alors que le public européen boude, le nouveau champion concrétise le rêve que Greg LeMond n’avait pu réaliser tout à fait. Les droits télé se déplacent de l’autre côté de l’Atlantique, la publicité et les sponsors aussi. Fini les frères Ripolin, voici Nike et Coca-Cola brothers.

Les paris sportifs inaugurent une troisième époque pour Amaury. Le groupe organise l’événement (ASO), le raconte (L’Equipe, Le Parisien) et en tire les bénéfices (Sajoo) dans une stratégie cohérente : des événements populaires (du football, du vélo et même le rallye Paris-Dakar où se précipitèrent un temps Johnny Hallyday, Michel Sardou, Caroline de Monaco…), une presse populaire, un vice populaire : le jeu d’argent.

Seule compte la déclinaison de la marque

Plus besoin dès lors d’une presse qui critique le spectacle au risque de le décrédibiliser, ni des investissements qui vont avec : seule compte la déclinaison de la marque. De bonne source (Amaury ne dépose pas ses comptes au tribunal de commerce et préfère chaque année payer l’amende), le résultat d’exploitation d’ASO (40 millions d’euros l’an passé) correspond à peu près à celui du groupe Amaury. Autrement dit, l’activité  presse ne rapporte pas réellement d’argent (l’année 2010 devrait néanmoins être plus faste pour L’Équipe avec la Coupe du Monde de football) et l’organisation d’événement est seule bénéficiaire.

La tentation, dès lors, pourrait être de transformer les titres du groupe en prescripteurs de paris, pronostiqueurs comme le fait déjà Le Parisien pour le PMU et, par nature, L’Équipe qui alimente ainsi les discussions de supporters, avant, peut-être, les appétits des parieurs. L’attention devrait, en effet, rapidement se focaliser sur le retour sur investissement que chaque opérateur peut garantir au parieur. A cet égard, les opérateurs offshore resteront probablement plus compétitifs. Les groupes de presse ne pourront miser que sur la peur du gendarme et sur l’offre de service, c’est-à-dire l’expertise « journalistique » pour déterminer la cote.

Billet publié initialement sur Le blog de Vincent Truffy

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Les enfants de l’esprit http://owni.fr/2009/11/27/les-enfants-de-lesprit/ http://owni.fr/2009/11/27/les-enfants-de-lesprit/#comments Fri, 27 Nov 2009 08:25:54 +0000 Agnès Maillard http://owni.fr/?p=5763

On ne naît pas femme, on le devient, écrivait Simone de Beauvoir dans Le Deuxième sexe. En fait, l’étude de l’éthologie et la longue observation des personnes que j’ai la chance de côtoyer m’ont enseigné qu’on ne naît finalement pas grand chose, ce qui ouvre un vaste champ de possibles, de la même manière qu’on ne naît jamais seul au monde, mais avant tout dans le regard des autres.

Reconquista

L'échappée belleDe la même manière que le pénis de l’homme ne fait pas la femme en la pénétrant, l’enfant ne fait pas les parents en naissant. Je discutais dernièrement avec un ami de la parentalité, dans laquelle je me sens tellement insuffisante, et de la manière dont s’était construit mon désir d’enfant, un peu à rebrousse-poil de ma personnalité et de mes inclinations naturelles, et j’ai compris, à travers son propre récit, que nous étions tous, plus ou moins, logés à la même enseigne. Nous finissons généralement par oublier, ou remiser tout au moins dans quelque recoin peu fréquenté de notre mémoire, tout ce cheminement particulièrement intime qui a fait qu’un jour, nous avons cessé de nous percevoir comme strictement les enfants de pour envisager de devenir les parents de, à notre tour. J’ai toujours été sévèrement agacée par les discours lénifiants sur les merveilles de l’instinct maternel, sur ce présupposé naturel qui court dans nos veines et nous rendrait tellement enclines à ouvrir les cuisses à celui qui nous fertilisera et nous accouchera, en quelque sorte, de notre plénitude de femmes enfin accomplies dans la maternité. Ce fichu instinct maternel a probablement plongé des générations de jeunes femmes dans les affres d’une horrible culpabilité, voire d’une implacable négation de soi et de ses désirs profonds, quand elles ne l’ont pas ressenti dans leurs tripes, que ce soit dans l’élan fécondateur ou dans le maternage attentif.

En creusant bien la question de l’être et du paraître, je me dis que nous sommes le fruit de regards croisés : ceux que posent sur nous nos proches, la société, les autres, et celui, encore plus grave, inquisiteur et intransigeant, que nous portons sur nous-mêmes. Parce que j’ai déclaré haut et fort que l’instinct maternel est une vaste fumisterie phallocrate, parce que je n’ai jamais été attirée par les bébés comme par un aimant, j’ai été jugée par la part la mieux attentionnée de mon entourage comme mauvaise mère avant même d’avoir acheté le seul et unique test de grossesse que je n’ai jamais utilisé de ma vie. Et ce regard, dur, définitif et condescendant a manqué sceller mon destin de mère et par ricochet, celui de ma fille. Tout cela parce que l’on existe avant tout dans le regard des autres et que celui-ci agit sur nous comme des lunettes correctrices lorsque nous faisons face à nous-mêmes, même dans la plus stricte intimité morale et intellectuelle.

Je n’ai même pas terminé le long parcours de conquête de ma propre féminité. Parce que je n’étais pas terriblement portée sur le froufroutant et l’esthétique futile, j’ai longtemps été cantonnée aux rôles de garçon manqué ou de bonne copine. Et il s’agit là de manières d’être que j’ai moi-même parfaitement intériorisées, jusqu’à ce que je change de point de vue, par la grâce, peut-être, d’un autre discours extérieur et que je décide d’exister enfin pleinement en tant que femme, non pas comme pur esprit féministe et fier de l’être, mais aussi comme créature complète, habitant enfin totalement ce corps de femme qui m’a été donné par les caprices de la génétique et dont je pouvais, au choix, faire un vaisseau splendide ou une vieille carcasse. Reprendre le contrôle de ce corps qu’une éducation cartésienne m’avait fait dédaigner au profit des plaisirs purement intellectuels a effectivement été une reconstruction tant mentale que physique dont la réussite a été précisément amplifiée par le changement de regard que les autres portent à présent sur moi, tant au niveau de l’enveloppe que du contenu. Je m’amuse encore monstrueusement d’avoir atteint un nouveau degré d’évolution personnelle en passant par le sport, moi qui ai toujours tenu les pratiques sportives en grand dédain pour ne pas dire en pure aversion. Le fait de ne pouvoir habiter mon propre corps m’avait amputé de la grande richesse sensorielle dont cette interface sublime peut nourrir un esprit ouvert. Je ne percevais que l’effort et la souffrance, là où il pouvait aussi y avoir de grandes satisfactions mentales. Il y a un yaourt qui prétend modifier notre apparence physique en améliorant notablement notre transit intestinal, quelque chose du genre : ce qu’il vous fait à l’intérieur se voit à l’extérieur. Mais ce jeu de poupées russes fonctionne à l’infini, comme un reflet dupliqué par une batterie de miroirs. La modification du corps par nos pratiques change notre rapport au monde, tant par ce que nous émettons de nous-mêmes comme message brut que par ce qui nous est renvoyé, par la sanction du regard social. De me sentir plus femme me rend effectivement plus femme, de me percevoir comme mère améliore mes relations avec ma fille, laquelle existe d’abord parce que je l’ai voulue.

Petite chose

Ce sac de vêtements pour enfants qu’elle vient de me donner pèse bien plus à mon bras que la somme des couches de tissus soigneusement pliés et repassés qu’il renferme. Parce que ce sac de vêtements signifie plus que le don qu’il est réellement, parce qu’il a une histoire qu’elle est en train de me raconter de sa voix chantante qu’un à-coup d’émotion vient parfois érailler. Dans ce sac de supermarché, ce matin, elle a soigneusement rangé son désir d’enfant et de ce sac de supermarché, c’est l’histoire de son petit dernier qui ressort. Celui qui n’est pas là. Celui qui n’a pas de nom. Pas de visage. Même pas de sépulture.

Cela a commencé avec ce don de vêtements, cela a continué avec une vanne sur mes aventures gynécologiques et comme si une digue rompait soudain, elle a enchaîné avec sa fausse couche de l’année dernière. À cinq mois de grossesse. D’ailleurs, ce n’est plus vraiment une fausse couche, c’est plutôt l’histoire d’un trop grand prématuré. Elle raconte sa peur quand la poche des eaux s’est rompue, la course aux urgences, l’attente, dans l’espoir que la poche se reconstitue, tous ces moments où elle le sent bouger en elle et où elle doit commencer à envisager sa mort, et puis, finalement, l’accouchement tragique, parce que c’est bien d’un accouchement qu’on parle, l’accouchement qui va tuer son enfant. Pas vraiment une fausse couche, donc, mais un vrai deuil, sans rien, rien à quoi se raccrocher, rien à se rappeler, rien qui subsiste si ce n’est ses souvenirs immensément douloureux. À deux semaines près, il aurait eu un état civil. Mais là, rien. Rien de rien. Aucune trace tangible, à peine plus qu’un rêve.
Ou un cauchemar.

Il s’agit là de quelque chose de profondément intime et douloureux, et je reçois cette confession avec la délicatesse que je mettrais à accueillir un nouveau-né dans mes mains. Les mots jaillissent, se bousculent, parfois dérapent, vacillent et repartent de plus belle. Ils ont tenté d’en refaire un autre dans l’élan, comme tout le monde le leur a conseillé, mais cela s’est encore soldé par une fausse-couche, à deux mois de grossesse. Pas quelque chose d’aussi lourd que cet accouchement donneur de mort, mais peut-être pire encore, parce que ce nouvel échec a rouvert encore plus grand la douleur refoulée de l’enfant non-né. Elle commence son travail de deuil, finalement, avec ce sac de fringues pour la gosse. Jusqu’à présent, elle gardait précieusement les vêtements de ses deux grands pour le petit troisième, mais, là, elle n’y croit plus. D’ailleurs, pour elle, c’est comme si elle avait eu trois enfants. Parce que ce troisième, ce fils absent, ce manque immense, elle avait commencé à le faire vivre dans son esprit, elle l’avait porté dans son imaginaire bien plus longtemps que dans son ventre. Et je comprends son désarroi de n’avoir plus aucune trace de lui, plus rien à regretter, plus rien à enterrer.
Dans le même temps, je repense à ces mères qui accouchent presque sans le savoir, parce que cet enfant qui sort de leur matrice n’est pas né dans leur esprit, n’a pas grandi dans leur tête. Ces impensés qui n’existent donc pas, que l’on ne peut donc pas faire naître ni disparaître.

Je me demandais, l’autre jour, si je n’étais pas le rêve éveillé d’une cavalière traversant des steppes sans fin. Même dotés de nos corps sensibles qui nous rattachent au monde des vivants à chaque inspiration happée sur le chaos, notre propre existence a parfois, aussi, ce petit côté miraculeux et intangible qui nous fait chevaucher les frontières de l’imaginaire et douter de notre propre matérialité. Mais je repense à présent au chagrin insondable de cette mère, à la manière dont elle fait vivre, jour après jour, cet enfant qui n’est pas né, à la force de son souvenir et de son amour qui arrachent ce petit d’homme au néant dont il n’est pourtant presque pas sorti. Il existe parce qu’elle se souvient. J’existe parce que vous êtes là. Nous existons, parce que nous sommes ensemble. Tous nés du regard et de l’esprit de l’autre.

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La machine à remonter dans le temps http://owni.fr/2009/09/10/la-machine-a-remonter-dans-le-temps/ http://owni.fr/2009/09/10/la-machine-a-remonter-dans-le-temps/#comments Thu, 10 Sep 2009 16:33:57 +0000 Agnès Maillard http://owni.fr/?p=3473

C’est fait, je m’y colle : Le Monolecte va sortir sur support-papier, dans un (voire probablement plusieurs) vrai bouquin, avec une jolie couverture, des notes de bas de page et même une photo officielle de l’auteur en quatrième de couverture, enfin, si Éric se rappelle qu’il ne doit pas m’oublier.

L'heure des vendangesC’est une idée qui traîne depuis pas mal de temps sans jamais aboutir nulle part. Une fois, j’avais même demandé à mes lecteurs de commenter leur sélection personnelle pour monter un best of, et puis rien. Ni la sélection, ni l’ouvrage thématique ne me satisfaisaient, il y avait toujours quelque chose de plus urgent à faire et le projet de pouvoir lire Le Monolecte aux chiottes est resté au fond d’un tiroir. Il y a eu aussi quelques contacts éditoriaux, mais aussi l’impression persistante que l’édition traditionnelle est déjà de l’histoire ancienne, que je n’ai pas envie de me casser le train 3 mois pour fourguer mon travail aux forceps à une boutique qui s’en fout un peu, ne fera que des efforts très modérés pour me conseiller sur les choix éditoriaux, la mise en page, la promo et la distribution, mais qui compte bien garder l’essentiel des gains pour elle, si gains il y a. Et puis, il y a 15 jours, me retrouvant subitement avec un trop-plein de temps libre, j’ai exhumé un vieux fichier PAO inachevé et j’ai repris le collier pour une version in extenso, à progression chronologique, un peu comme le journal de bord d’un monde qui se casse la gueule au ralenti.

Page après page, je récupère la matière première produite il y a 4 ou 5 ans, je corrige les fautes, applique ma feuille de style, remonte les hyperliens pour débusquer les sites morts, recherche de nouvelles références, ajoute des notes, contextualise, replace dans la perspective historique. Il est frappant de se rendre compte à chaque texte à quel point le syndrome du poisson rouge est toujours aussi puissant, à quel point une information chasse toujours l’autre et à quel point, surtout, ceux qui prétendent nous gouverner se foutent de nous à longueur de temps.

Petit retour sur l’affaire Gaymard. C’est qui celui-là ? Vous l’aviez oublié, lui, son budget de rigueur pour les autres, ses étranges calculs horaires, et ses amnésies récurrentes quant au train de vie qu’il s’offre aux frais de la princesse. Balancé par une mystérieuse taupe, épinglé par le Canard Enchaîné, Gaymard a été promptement sacrifié par les siens, le temps de faire croire au petit peuple qu’il était un accident, l’arbre qui ne cache aucune forêt et non un parmi tous les autres, trop heureux de s’être enfin approché de la gamelle et de pouvoir y plonger le groin avidement. Gaymard est reparti dans les oubliettes de l’Histoire, mais son cas est édifiant éclairé par notre connaissance des événements qui ont suivi.
Dans le Monolecte, on parle donc de l’actualité politique passée qui éclaire bien le présent, mais aussi des chroniques du chômage de masse, déjà là, depuis si longtemps, qui s’amplifie chaque jour, et dont on tente, par tous les moyens, de masquer l’ampleur en planquant les gens sous le tapis des statistiques officielles. Il y a des critiques de la télé qui se regarde le nombril, du cinéma qui passe notre monde au nécessaire filtre de l’esprit critique, il y a des coups de gueule, des coups de cœur, mes vieilles obsessions, déjà présentes, de petits récits qui chantent la beauté de la banalité du quotidien, il y a même des recettes de cuisine pour les nazes du fourneau et une méthode efficace et pas chère pour arrêter de fumer. L’autre jour, j’ai même retrouvé un papier sur la grippe aviaire qui allait tous nous tuer dans d’horribles souffrances, même que l’OMS sonnait le tocsin… qu’il est amusant de dérouler le fil d’une époque sous l’éclairage de notre conscience du monde contemporain, c’est-à-dire en connaissant précisément ce qu’il adviendra de nous ensuite.
D’ici un mois, le bouquin devrait être fini. Il me faut déterminer à combien de pages je tranche le premier tome, histoire qu’il y ait de quoi occuper les soirées d’hiver sans, pour autant, se retrouver avec le bottin parisien calé sur les genoux et tout en restant dans des prix abordables…

À bicyclette…

Cette machine-là est des plus rudimentaires et des plus efficaces qu’il soit. Plus de vingt ans que je n’étais pas montée sur un vélo. La dernière fois, c’était aussi en été, mais dans les lacets de la Maurienne, sur une sorte de machin rose trop petit où je ne pouvais avancer qu’en pédalant en danseuse, les jambes tétanisées par l’effort, dans la chaleur brutale du mois d’août, jusqu’au col, là-haut, ma récompense. Une petite heure à cueillir les myrtilles et il était temps de redescendre de ma montagne, le vélo vibrant à m’en échapper des mains sous l’effet de la vitesse, ivre de vent et de bonheur, semant de larges bandes de mes Stan Smith dans les gravières des virages en épingle à cheveux afin de compenser la faiblesse de mes freins.
Aussi je regarde d’un œil dubitatif le vendeur de Décathlon qui m’aiguille gentiment vers le modèle de VTC qui va bien, avec son armada de vitesses, sa selle en gel de silicone qui te masse les fesses langoureusement, sa suspension hydraulique et son garde-boue de compétition. J’essaye l’engin dans la large travée centrale du magasin en tremblotant un peu, je slalome entre les autres clients qui me jettent à la volée des sourires et des œillades complices, je reviens au vendeur, change de machine et recommence. J’ai passé mon 15 août à brûler sous le soleil blanc d’un vide-grenier pour réunir de quoi me payer ce machin et j’hésite donc très longuement à arrêter un choix. Finalement, j’ai pris un entrée de gamme, sans fioritures aucunes et pendant que le vendeur le prépare, je rejoins les files d’attente des caisses pour régler mon fastueux achat. Là, plusieurs clients m’accueillent avec un grand sourire :

  • Alors, ça y est, vous vous êtes décidée ? Vous avez pris lequel ?

Première sortie. Quelques papiers administratifs à mettre à jour à la mairie du microbled, distante de 3 ou 4 kilomètres, je ne sais pas, j’aurais dû prendre un compteur. Une descente, une petite montée, un faux plat et l’affaire est dans le sac. Mais au bout de 500 mètres, je suis déjà couverte de sueur et mon jean entrave mes mouvements. Ce n’est pas une promenade de santé, c’est une grosse galère en devenir. Je tourne vers le village et suis immédiatement cueillie par une odeur puissante qui ramone mes bronchioles : sur plusieurs dizaines de mètres, une énorme flaque brunâtre s’étale sur toute la route et me barre l’unique accès au bled. À vue de nez, je dirais qu’un tracteur de purin s’est largement oublié en route. Il me faut passer, vitesse réduite, car il n’y a pas d’autre chemin, à moins de partir dans un grand détour de plusieurs kilomètres. C’est à ce moment précis que le concept de garde-boue prend toute sa grandeur. Mes roues crantées modèlent de jolies petites mottes de merde qui s’envolent ensuite joyeusement à l’assaut de mon visage. J’ai beau rouler au pas, rien n’y fait et j’arrive au village recrépie de la tête aux pieds, juste pour lire un panneau format A4 qui m’annonce que la mairie ne rouvrira que le mois prochain.

Petite boucle. Sur les conseils d’un ami, je me suis payé un short cycliste qui a donc de remarquable d’être doublé d’une sorte d’énorme couche “confiance” qui n’est pas sans m’évoquer les sensations que j’éprouvais, à 13 ou 14 ans, quand je me garnissais les fonds de culotte de protections pour éponger des règles juvéniles et affreusement abondantes. C’était la période du mois où, avec mes copines, j’avais l’impression persistante de marcher comme Donald Duck et où nous tremblions sans cesse à l’idée d’un débordement niagaresque qui nous aurait marquées d’une énorme tache indigne et nous aurait exposées aux quolibets des garçons. Passée depuis au confort incomparable du tampon applicateur, je ne pensais pas éprouver de nouveau cette sensation précise, tout au moins pas avant avoir atteint un âge très très avancé. Je reluquerai désormais les fesses gainées de près des coureurs cyclistes d’un tout autre regard.

Je tente, au jugé, une petite boucle qui s’enfonce dans le dense réseau de routes secondaires, voire tertiaires, de la campagne profonde. Le soleil tarde à se dégager de sa gangue de brume et seul le chuintement mouillé de mes pneus sur l’asphalte défoncé accompagne mon souffle court. Il n’y a pas une bagnole sur ces petites routes qui ont l’air oubliées de tous et de la DDE en particulier. De grands rapaces s’envolent mollement à mon approche, quelques mouvements dans les champs qui m’entourent m’apprennent que le coin grouille de gibier. Une descente plaque mes cheveux sur mes tempes et même si je dois finir la tête éclatée comme une pastèque au fond d’un fossé, je refuse qu’un casque encore plus moche que mon short me prive de cet immense plaisir. Petit pignon, la montée se précise. C’est qu’ils sont rudes les raidillons de Gascogne, de sales petits coupe-jarrets qui te cueillent au creux de tes efforts et te ralentissent à en tomber raide. Le petit plateau refuse obstinément de s’enclencher, je peste contre les vitesses qui craquent sinistrement pendant que je tente d’améliorer mon quasi-surplace en passant en danseuse. Le petit plateau cède enfin et je mouline frénétiquement sur place tout en tentant de conserver un équilibre précaire. Mes poumons brûlent et chuintent tragiquement, mes cuisses sont du béton armé et je dois progresser sur la pente à 3 km/h, maxi, dans une ébouriffante imitation du hamster sous coke. Je peste contre ma connerie de vie saine de mon cul, je maudis la tectonique de plaques qui a plissé la Gascogne pire que la peau d’un sharpei de 2000 ans, j’emmerde fermement le sport, les sportifs, les corps sains pour des esprits sains, parce qu’à ce moment précis mon cerveau lui-même transpire et agonise sous l’effet conjugué de l’effort surhumain et d’une très mauvaise oxygénation, chaque goulée d’air monstrueuse ne pouvant plus satisfaire la demande anarchique de mon corps fourbu et tétanisé.

Je suis en haut. C’est une route de crête à partir de laquelle se déroulent des coteaux immenses aux flancs chargés de vignes et de champs de céréales. Le regard se perd dans le lointain qui s’estompe dans un camaïeu de bleus jusqu’à la ligne formidable des Pyrénées, là-bas, au fond, mais aussi si près. Le vélo avance à présent tout seul dans ce paysage de cocagne pendant que mon cœur, affolé par l’effort prodigieux que je viens de lui demander de fournir, se calme doucement. Mes poumons, comme déplissés, avalent avidement l’air rural qui engouffre dans mes narines dilatées toutes les odeurs de paysannerie que j’avais oubliées. L’air chaud de cette fin d’été a les accents boulangers des moissons proches. Une ferme isolée m’interpelle de son bouquet de patates sautées à la graisse pendant qu’une grange un peu sombre exhale le fumet lourd du fumier qui se décompose, de la bouse fraîche, de la paille craquante qui finit de mûrir au soleil et des chaussures de sécurité où ont mariné trop longtemps les orteils échauffés du travailleur de force. Toutes ces fragrances brutes, puissantes, sans apprêt me renvoient aux épisodes paysans de mon adolescence, à une vie oubliée. Je me souviens brutalement de la grange poussiéreuse où, un début d’automne un peu semblable à celui-ci, un quart de siècle plus tôt, j’avais échangé mon premier baiser.
Un peu plus loin, les vignes ploient sous le poids des grappes noires et gorgées de soleil. Certaines sont déjà tombées lourdement au pied des ceps et la senteur douçâtre du bourret appelle déjà le temps des vendanges. Une descente légère comme une brise de printemps me dépose dans la fraîcheur d’un petit bois dont l’arôme rond et automnal m’informe que je viens très probablement de tomber sur un énorme gisement de cèpes.

Envolés les souffrances et les regrets de la montée précédente ! Je navigue à présent au cœur d’un pays de splendeurs et m’enfonce toujours plus loin dans mes souvenirs olfactifs.

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