OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Roberto Saviano défie le pouvoir italien http://owni.fr/2011/03/21/roberto-saviano-defie-le-pouvoir-italien/ http://owni.fr/2011/03/21/roberto-saviano-defie-le-pouvoir-italien/#comments Mon, 21 Mar 2011 11:17:10 +0000 Pascal Bories http://owni.fr/?p=52402 La sortie ce mois-ci en Italie du livre de Roberto Saviano “Vieni via con me” (“Pars avec moi”), qui caracole au top des meilleures ventes, pose une question enthousiasmante. La télévision, ce vieux média à papa, aurait-elle encore une utilité ?  Mieux : aurait-elle le pouvoir de diffuser la connaissance, de faire cogiter les “cerveaux disponibles”, voire de déstabiliser un pouvoir politique corrompu ? Et, ainsi, de créer les conditions d’une démocratie plus saine ?

Dans un pays mondialement réputé pour la qualité exécrable de ses programmes télévisés, où le Premier Ministre en personne possède la plupart des grandes chaînes, la chose semblait plus qu’utopique, impensable. Et pourtant, si l’on en croit le succès d’une émission diffusée en fin d’année dernière sur la chaîne RAI 3, dont le livre de Saviano reprend l’ensemble des propos, la réponse pourrait bien être positive.

Conçue et présentée par l’écrivain avec le journaliste Fabio Fazio, Vieni via con me avait emprunté son titre à la magnifique chanson composée en 1981 par le célèbre crooner italien Paolo Conte, “Via con me (It’s Wonderful)”. Au menu : de longs monologues ardus, sur l’histoire ou la Constitution italiennes, entrecoupés de séquences plus humoristiques, mais toujours impertinentes. Exemple : l’acteur Roberto Benigni entonnant la chanson “E tutto mio” (“Tout est à moi”), pour lister sur fond de guitare électrique tout ce que Silvio Berlusconi possède ou prétend posséder : villas, palais, institutions…

Plus de téléspectateurs que Real-Barça

Résultat plus qu’inattendu : dès la diffusion du premier des quatre épisodes, l’émission réunissait 7,6 millions de téléspectateurs, soit plus de 25% de part d’audience. Au troisième épisode, elle attirait 9,6 millions de personnes et atteignait 31,6% de part d’audience. Pour son quatrième et dernier volet, le 29 novembre dernier, elle battait même le match de foot opposant le Real Madrid au FC Barcelone et l’émission de télé-réalité la plus suivie du pays, Grande Fratello. Et ce, en abordant des sujets aussi peu glamour, a priori, que la gestion des déchets, l’euthanasie, la ‘Ndrangheta, ou encore l’histoire de la Constitution et du drapeau national.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un record historique, sans compter qu’en trois semaines, les vidéos mises en lignes sur le site de la RAI ont été visualisées 8 millions de fois. Et celles mises en ligne sur Youtube 5,5 millions de fois. Le nom le plus souvent associé à la réussite exceptionnelle de ce programme, plus que celui de Fazio et bien que Benigni soit également venu prêter main forte (et voix qui porte) ? Celui de Roberto Saviano, dont les huit interventions n’avaient pourtant rien de comique.

Auteur en 2006 de “Gomorra”, le best-seller dont l’adaptation au cinéma a remporté le Grand Prix du Festival de Cannes en 2008, Saviano est aujourd’hui l’écrivain qui vend le plus de livres en Italie, ceux-ci étant par ailleurs traduits dans le monde entier. Depuis cette enquête choc sur la mafia napolitaine, le ténébreux jeune homme de 31 ans vit sous protection policière permanente car sa tête a été mise à prix. Ce qui ne l’a pas dissuadé de poursuivre ses recherches sur le crime organisé, ni de s’exprimer publiquement à ce sujet.

Le paramètre Mondadori

En revanche, pour publier le livre “Vieni via con me”, l’auteur a dû se résoudre à se séparer de ses éditeurs historiques, avec lesquels il disait pourtant entretenir des liens de fidèle affection. Le problème ? La directrice de ladite maison d’édition, Mondadori, n’est autre que Marina Berlusconi, la fille du Président du Conseil, lui-même étant actionnaire majoritaire via sa holding Fininvest.

Ces derniers mois, les clashs s’étaient multipliés entre la patronne, classée 48ème femme la plus puissante du monde par Forbes en 2010, et l’auteur le plus rentable de sa maison. Motif ? Roberto Saviano avait notamment affirmé en 2009, dans une interview que “le système politique italien ne peut pas faire sans la mafia”, et que “ses relations avec elles sont identiques à celles qu’il entretient avec les multinationales”. Et Silvio Berlusconi lui-même était monté au créneau, accusant l’écrivain de “diffamer le pays” en offrant une telle publicité à la mafia.

Plus problématique encore : Saviano avait ensuite déclaré soutenir les juges milanais dans leur tentative de faire comparaître le Président du Conseil devant les tribunaux. Marina Berlusconi s’était alors dite “horrifiée”, mais pas au point de résilier le contrat le plus juteux de sa maison. C’est donc l’auteur lui-même qui a finalement annoncé début mars son choix de publier “Vieni via con me” chez l’éditeur concurrent Feltrinelli.

Contrepoids médiatique

Plus libre de ses propos, l’écrivain profite désormais de la promotion de son livre, à l’occasion de rencontres dans les librairies de plusieurs grandes villes, pour dénoncer “l’invitation objective du chef du gouvernement à l’omerta”. Une partie de la gauche italienne, qui restait réservée quant à l’engagement politique de Saviano, jugé très limité jusqu’à présent, devrait lui en savoir gré.

Pour mémoire, les liens de Silvio Berlusconi avec Cosa Nostra sont déjà connus, notamment à travers le mafieux Vittorio Mangano, qui fut le chef d’écurie d’une de ses villas dans les années 1970. Ou encore l’arrestation l’an dernier de son allié politique le sénateur de Sicile Marcello Dell’Utri, condamné à sept ans de prison pour ses liens avec la mafia.

Fort du succès phénoménal de l’émission et du livre “Vieni via con me”, Roberto Saviano constitue aujourd’hui, en partie malgré lui, le contrepoids médiatique le plus puissant à “l’invincible” Silvio Berlusconi (comme il se qualifie lui-même). Ce dernier aura dorénavant du mal à employer contre lui sa méthode, qualifiée par l’écrivain de “machine à boue”, consistant à discréditer systématiquement ses adversaires politiques. La preuve : malgré ses démêlés avec Marina Berlusconi, un dirigeant de Mondadori a récemment déclaré à son sujet :

Saviano est et restera un auteur important pour notre maison.

Au pays de la politique-spectacle tous azimuts, qui célèbre ces jours-ci les 150 ans de son unité, Roberto Saviano est lui aussi devenu une star, au même titre que Silvio Berlusconi, qui doit son pouvoir à son statut de vedette plus qu’à un programme politique. Face à la télé Berlusconi, Saviano a donné la preuve qu’une autre télé, instructive et ambitieuse, est possible. En retournant ainsi contre l’ennemi ses propres armes, il a réussi à ébranler la toute-puissance médiatique du chef de gouvernement le plus contesté d’Europe.

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Crédits photo: Flickr CC Enrique Carnicero, dadevoti

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Berlusconi veut couper les “grandes oreilles” de la Justice http://owni.fr/2011/03/21/berlusconi-ecoutes-justice-rubygate/ http://owni.fr/2011/03/21/berlusconi-ecoutes-justice-rubygate/#comments Mon, 21 Mar 2011 10:35:26 +0000 Pascal Bories http://owni.fr/?p=52400 C’est officiel : Silvio Berlusconi n’a plus de téléphone portable. Le 28 février dernier, il s’en expliquait lors d’un meeting de son parti, le Peuple de la Liberté :

Sachez que votre premier ministre n’a plus le moindre mobile parce qu’il est sujet à toutes sortes d’écoutes. […] Tout le monde considère comme une atteinte à la liberté le fait de ne pas pouvoir parler librement au téléphone. C’est pourquoi j’ai régressé dans le temps et n’utilise plus de mobile.

Au passage, il se désignait lui-même, avec la mesure qui le caractérise, comme “l’homme politique le plus persécuté de l’histoire”.

La veille, dans une conférence à Milan, il avait rappelé sa conviction qu’une nouvelle loi sur les écoutes téléphoniques était nécessaire, qualifiant de “pratiques barbares qui doivent cesser” les violations de la vie privée de citoyens ne faisant parfois même pas l’objet de poursuites.

Il faut dire que ce maudit mobile – dont il avait pourtant bien du mal à se séparer – risque aujourd’hui de lui coûter une lourde condamnation pour relations sexuelles avec une prostituée mineure. La fameuse affaire du “Rubygate” repose en effet sur un dossier d’environ 700 pages, constitué en grande partie de retranscriptions d’écoutes téléphoniques et de SMS interceptés par la police judiciaire.

Instrument du Rubygate

Cristina Di Censo, la juge des enquêtes préliminaires à laquelle le parquet de Milan avait transmis ces documents, a confirmé le 15 février leur caractère de “preuves évidentes”, l’autorisant à faire comparaître le Président du Conseil devant un tribunal ordinaire selon une procédure accélérée. La première audience du procès aura donc lieu le 6 avril. Et son issue pourrait coûter cher à un homme simultanément poursuivi dans trois autres affaires, bien qu’il ait jusqu’à présent échappé à toute condamnation effective malgré de nombreuses inculpations.

En attendant, les Italiens ont déjà pu se délecter copieusement de nombreux extraits de ces écoutes, publiés par les grands journaux de gauche italiens et souvent relayés par la presse internationale. Sur le web, de facétieux activistes ont même créé le site Bungle Bungle, (contraction de “Google” et de “bunga bunga“), un moteur de recherche donnant accès à tous les échanges téléphoniques rendus publics dans l’affaire Ruby.

Car plusieurs des jeunes femmes présentes aux “parties fines” (sic) organisées par Silvio dans ses luxueuses villas, dont au moins deux étaient mineures au moment des faits, avaient été mises sur écoute par la justice. C’est d’ailleurs la localisation de leurs téléphones portables qui avait permis de savoir qu’elles y participaient. Leurs conversations et leurs SMS décrivent des orgies sexuelles dont Berlusconi était parfois le seul protagoniste de sexe masculin. Ces retranscriptions mettent aussi en lumière la rivalité qui régnait entre elles, et les encouragements éhontés de leurs propres familles.

Si le président du Conseil persiste à affirmer qu’il n’a “jamais payé pour des rapports avec une femme”, des écoutes datant d’il y a plusieurs années suffisaient déjà à en douter sérieusement. En 2008 et 2009, il avait eu avec l’escort-girl Patrizia D’Addario des rapports intimes tarifés, agrémentés d’onéreux cadeaux.

La bataille des chiffres

On comprend mieux, dès lors, pourquoi Silvio Berlusconi se plaint tant des interceptions de communications téléphoniques par la police judiciaire. Comme les socialistes avant lui, ses gouvernements successifs n’ont eu de cesse de proposer des lois visant à en restreindre l’usage et la divulgation, sans jamais qu’aucune ne parvienne à entrer en vigueur.

Le dernier projet en date a été approuvé par le Sénat en juin dernier, non sans avoir subi quelques modifications suite aux reproches formulés par l’OSCE et le Parlement européen. Des journalistes et une partie de l’opinion s’y étaient également opposés vigoureusement. Mais face à ces critiques, Berlusconi avait alors déclaré que jusqu’à 10 millions de personnes pouvaient être écoutées à leur insu dans son pays, ajoutant :

Le problème est grave, nous sommes tous espionnés.

Un mois plus tard, le journal Il Fatto Quotidiano publiait “les vrais chiffres des interceptions” fournis par le Ministère de la Justice : moins de 40.000 personnes écoutées par an, soit 0,7% de la population totale de l’Italie, qui compte 60 millions d’habitants. L’article précisait en outre que 80% de ces écoutes étaient relatives à des crimes mafieux. Un chiffre non négligeable, tant les Italiens savent ce qu’ils doivent à ce système d’investigation aussi efficace qu’intrusif.

Baptisée Mani Pulite (“Mains Propres”), la vaste opération initiée en 1992 par le juge Antonio Di Pietro avait permis de faire tomber les dirigeants corrompus des grands partis de l’époque : Démocratie Chrétienne (DC) et Parti Socialiste Italien (PSI). Le recours aux écoutes téléphoniques avait été décisif pour révéler les liens entre la mafia et les hommes politiques qui se partageaient le pouvoir depuis des décennies.

Il aurait dû s’agir d’un choc salutaire pour le système italien. Mais c’est justement au terme de cette opération que Silvio Berlusconi, profitant des élections anticipées de 1994, avait remporté sa première victoire électorale. A peine nommé Premier Ministre, il faisait à son tour l’objet d’enquêtes judiciaires, notamment fondées sur des interceptions de communications privées.

Réforme constitutionnelle

Depuis, ses innombrables frasques ont régulièrement alimenté la presse en retranscriptions d’écoutes de ministres, de collaborateurs ou de femmes qu’il a fréquentées. C’est sur ces fuites incessantes de documents censés être à l’usage exclusif de la Justice que le Cavaliere a fondé l’idée de sa persécution par de soi-disant  “juges rouges”, avec la complicité de la presse.

Alors que son projet de réforme constitutionnelle a été adopté le 10 mars en Conseil des ministres, Silvio Berlusconi et son ministre de la Justice Angelino Alfano se disent désormais prêts à présenter devant l’Assemblée un texte spécifiquement destiné à encadrer les écoutes téléphoniques. Celui-ci prévoit de limiter l’écoute d’un individu à 75 jours et de n’y recourir qu’en cas de “graves indices de crime” dans les affaires de droit commun, et en cas d’“indices suffisants” dans les affaires de terrorisme ou de crime organisé.

De plus, la réforme entend soumettre l’action pénale “obligatoire” du Parquet à des “critères établis par la loi”, tout comme il ne pourrait disposer de la police judiciaire que “selon des modalités établies par la loi”. Autrement dit, selon Antonio di Pietro, aujourd’hui leader du parti d’opposition l’Italie des Valeurs :

Le parlement devra décider quels sont les crimes sur lesquels les juges peuvent enquêter… Donc on ne pourra pas mener une enquête sur tous les crimes, mais seulement ceux sur lesquels il y aura un consensus des députés. Et devinez de quel côté seront ces députés ?

Enfin, si la réforme était adoptée, les Procureurs deviendraient “directement responsables des actes accomplis en violation des droits“. Traduction : une écoute téléphonique ne débouchant par sur une condamnation pourrait leur coûter d’importants dommages et intérêts. Et s’ils souhaitaient faire appel de la décision d’acquittement ? Impossible, car ils ne pourraient plus faire appel qu’en cas de condamnation de l’accusé.

La mafia décimée

La presse, seul autre contre-pouvoir à un exécutif englué dans les affaires et à un législateur corrompu, s’estime également menacée. Selon Giuseppe Giulietti, porte-parole d’Articolo 21, une association pour la liberté de l’information, le projet de loi sur les interceptions téléphoniques vise à “introduire une censure, un contrôle de l’information servant seulement le consensus”. Car le texte sur les écoutes prévoit aussi de lourdes sanctions contre les médias divulguant des retranscriptions.

Pendant ce temps, l’actualité italienne n’en finit plus de donner de bonnes raisons aux Italiens de s’insurger contre de telles tentatives de restriction du pouvoir des juges, et de leur recours aux écoutes. La ‘Ndrangheta, l’une des organisations mafieuses les plus redoutées au monde, vient d’être décimée par la police grâce à l’interception de conversations téléphoniques entre Giuseppe Commisso, surnommé “le maître”, et ses lieutenants. Bilan : 41 arrestations.

Heureusement, il reste peu probable que le projet de réforme constitutionnelle de la Justice italienne soit adopté en l’état rapidement. Deux navettes parlementaires avec une majorité des deux tiers de chaque chambre seraient nécessaires à son adoption, sans quoi il devrait faire l’objet d’un référendum. Mais dans ce dernier cas, tout reste possible, tant la désinformation est une arme dont use mieux que quiconque Berlusconi, le magnat des médias “sans portable fixe”.

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Crédits photo: No Mas, paride de carlo, Sergio Maistrello, Niccolo Caranti

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Femmes et Révolutions http://owni.fr/2011/03/10/femmes-et-revolutions/ http://owni.fr/2011/03/10/femmes-et-revolutions/#comments Thu, 10 Mar 2011 12:26:37 +0000 Guillaume Mazeau http://owni.fr/?p=46872 Ndlr: Billet publié sur owni le 17 février 2011. Rendez-vous le 22 mars pour la Nuit-Sujet Owni/Radio Nova sur le thème “Dégage” autour de la mise en réseau du monde et de son impact politique global.

Basta Berlusconi !

Dimanche 13 février, des milliers d’Italiennes sont descendues dans la rue contre leur Premier ministre, dont l’interminable « saga priapique » renvoie une image virile du pouvoir et réduit les femmes à des objets sexuels.

Cette manifestation remet en cause les idées reçues sur la place des femmes dans la société européenne, mais pas seulement. S’inspirant des « Ben Ali, dégage ! » et des « Mubarak, dégage ! », criés depuis plusieurs semaines par les femmes tunisiennes et égyptiennes, les Italiennes démontrent que depuis quelques semaines, les modèles politiques et sociaux ne circulent plus dans le même sens par-delà les rives de la Méditerranée.
Les mouvements qui secouent la Tunisie, l’Egypte, l’Algérie mais aussi la Jordanie et le Yémen incitent à revoir les clichés occidentaux sur la sujétion des femmes dans les pays arabes.

Remise en cause de la domination masculine

Dans l’histoire, les crises, en particulier les guerres et les révolutions, ont souvent engendré une remise en cause de la domination masculine. La vague révolutionnaire qui secoua l’Atlantique il y a deux cents ans fut en grande partie animée par des femmes souvent privées de tout droit. Elles y gagnèrent un peu, espérèrent beaucoup mais virent la parenthèse se refermer après les premiers moments d’enthousiasme. Pour les femmes, les révolutions américaine et française du 18e siècle se finirent en queue de poisson.

Aux Etats-Unis, aucune des nouvelles constitutions d’Etat ne leur accorda le droit de vote, sauf au New Jersey… jusqu’en 1807.
En France, on voulut terminer la révolution en imposant une nouvelle barrière des sexes : après thermidor an II (juillet 1794), le citoyen modèle sur lequel on entendit reconstruire la société était le père de famille et le bon mari. Depuis quelques jours, certaines Egyptiennes paient le prix fort pour s’être, pendant quelques jours, émancipées des conventions sociales.

Certaines formes de mobilisation féminine du “printemps arabe” semblent révéler des invariants intemporels. Comme les Françaises des journées d’Octobre 1789, une partie des femmes du Maghreb se sont mobilisées contre le prix du pain. Comme les patriotes américaines qui rejoignaient les campements de l’armée révolutionnaire pendant la Guerre d’Indépendance entre 1775 et 1783, certaines Cairotes se sont employées à soigner les blessés de la place Tahrir.
Aux yeux des hommes, ces actions sont rassurantes : les femmes de tout temps et de tout pays sont ainsi réduites à des vertus nourricières et curatives, associées à l’ « éternelle » fonction maternelle.

De ce point de vue, ce qui se trame en Tunisie ou en Egypte est radicalement différent. Celles qui prennent la parole à Tunis, Le Caire, Suez ou Alexandrie, vivent certes sous le joug de la domination masculine. Mais elles ne sont pas les femmes du 18e siècle, qui étaient totalement privées de droits. N’en déplaise aux visions occidentales, les Tunisiennes et Egyptiennes ont vu leur statut lentement s’améliorer depuis les années 1920, en partie depuis les mobilisations féminines de la « première révolution » égyptienne de 1919.

Plus alphabétisées que les femmes du Siècle des Lumières, diplômées, plus politisées mais aussi plus intégrées à la société civile, beaucoup de maghrébines, encadrées par des associations comme l’Association des Femmes Démocrates en Tunisie ou inspirées par des avant-gardes comme Nawal El Saadawi en Egypte, ne défendent pas seulement leurs acquis. Elles revendiquent aussi le droit de participer à la vie civique et au débat politique.

Femmes et Islamisme

Faut-il voir en elles les chevaux de Troie de l’islamisme ? Le point de vue laïc et très franco-français aide aussi peu à comprendre le passé que le présent. Certes, des Vendéennes catholiques de la fin du 18e siècle aux manifestantes voilées de la place Tahrir, certaines femmes, très impliquées dans la religion et donc dans la vie sociale, se mobilisent parfois au nom de leur foi.
Pourtant, cela ne veut évidemment pas dire qu’elles ne défendent aucune opinion politique et qu’elles sont systématiquement manipulées par les « fous de Dieu ».

Comme l’indique le politologue Olivier Roy , l’évolution de la place des femmes au sein de la « société  post-islamiste » ne se réduit évidemment pas à un combat entre laïcité et intégrisme.
Si des milliers de Tunisiennes redoutent que leurs droits soient remis en cause par le retour du leader islamiste Ghannouchi, nombre d’entre elles entendent aussi pouvoir exprimer leur liberté de conscience sans subir le regard des autres lorsqu’elles portent le voile.

Jeunes ou âgées, qu’elles défilent en tête nue ou en hijab, les « Femmes du Caire », dont Yousry Nasrallah décrivait en 2010 les désirs d’émancipation dans un film engagé,ne peuvent donc être observées avec les clichés historiques ou sociaux que les experts occidentaux ont tendance à leur appliquer. C’est ce qui donne à leur mobilisation toute sa modernité.

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Publié initialement sur le blog Les lumières du siècle sous le titre : Femmes du Caire
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Crédits photos via Flickr [cc-by-nc-sa] 3arabawy, enseignantes et jeune femme sur Tahrir Square

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Berlusconi-Kadhafi: Divorce à l’italienne http://owni.fr/2011/03/05/berlusconi-kadhafi-divorce-a-litalienne-libye-italie/ http://owni.fr/2011/03/05/berlusconi-kadhafi-divorce-a-litalienne-libye-italie/#comments Sat, 05 Mar 2011 15:28:23 +0000 Pascal Bories http://owni.fr/?p=49822 Ils étaient si proches. Depuis des décennies, le Président du Conseil italien et le Guide de la Révolution libyen entretenaient des rapports extrêmement privilégiés. Mais aujourd’hui, le divorce entre Silvio Berlusconi, 74 ans, et Mouammar Kadhafi, 69 ans, semble consommé. Enfin ?

Le 22 février, le “Guide de la Révolution” insinuait dans son discours télévisé que les contestataires libyens étaient armés par l’Italie. Bien que l’Italie soit en effet le premier fournisseur d’armes de la Libye, l’information était immédiatement démentie par le ministre Italien des affaires étrangères Franco Frattini. Huit jours plus tard, ce dernier dénonçait le “traité d’amitié, de partenariat et de coopération” signé en 2008 par Berlusconi et Kadhafi, contenant notamment une clause de non-agression. Le même jour, l’entreprise italienne ENI annonçait la fermeture du pipeline gazier de 520km reliant la Libye à la Sicile, et accusait dans la foulée une chute de sa valeur boursière.

Dès lors, Kadhafi était exposé à la menace d’une intervention militaire menée depuis le sol de son ex-allié, où les Etats-Unis disposent de plusieurs bases. Dans son nouveau discours fleuve du mercredi 2 mars, il fanfaronnait de plus belle :

Nous sommes le pays de la dignité et de l’intégrité, ce pays a triomphé de l’Italie.

Ou encore :

Le peuple libyen a bien compris que Kadhafi a obligé l’Italie à s’excuser.

Ainsi, il rappelait que le traité de 2008 reposait avant tout sur les excuses formulées par Berlusconi pour la colonisation de la Libye, de 1911 à 1942, (mise en scène dans le film américano-libyen Le lion du désert, interdit pendant des années en Italie).

Bunga bunga

Depuis de nombreuses années, les deux leaders entretenaient pourtant des rapports plus que cordiaux, intimes. Le Président du Conseil n’a-t-il pas loué l’été dernier, pour la deuxième année consécutive, les services de dizaines de jeunes hôtesses, payées 80 euros chacune, pour accueillir à Rome le dictateur libyen et l’écouter promouvoir l’Islam ? Et la jeune Karima El Marough, alias “Ruby”, dont les rapports tarifés avec le Cavaliere valent à ce dernier d’être poursuivi pour prostitution de mineure, n’a-t-elle pas déclaré :

Berlusconi m’a expliqué que le bunga bunga était un harem inspiré par son ami Kadhafi, avec des filles qui se déshabillent et lui donnent des “plaisirs physiques” ?

Plus officiellement, l’Italie était jusqu’à présent le premier partenaire commercial de la Libye, avec des échanges commerciaux estimés à 12 milliards d’euros l’an dernier. Le traité de 2008 l’engageait par ailleurs à dédommager son ancienne colonie à hauteur de 5 milliards de dollars en vingt ans. La Libye, pour sa part, détenait 2% d’ENI, détenu à 30% par l’Etat italien, et d’autres participations telles que : 7% de la première banque italienne, Unicredit, 2% de l’entreprise d’aéronautique et d’armement Finmeccanica, ou encore 7% de la Juventus de Turin.

Mieux : lorsque l’an dernier, la Libye a ouvert une compétition pour octroyer deux licences à des banques étrangères leur permettant d’exercer sur son territoire, une seule des six banques en lice a finalement été retenue : Unicredit. Mais ces échanges de bons procédés ne datent pas pour autant d’hier. Dans les années 1970, comme le rappelle le journaliste Alberto Toscano, Kadhafi avait déjà volé au secours de Fiat, qui connaissait alors une terrible crise sociale.

Point Godwin

D’un point de vue politique aussi, le Cavaliere est comparable à son compère du désert, dictateur avéré, longtemps redouté pour son rôle actif dans le terrorisme international. Silvio Berlusconi s’était déjà comparé lui-même au Duce Benito Mussolini, à l’occasion d’une conférence de l’OCDE à Paris en mai dernier. Et le grand écrivain italien Umberto Eco, interrogé sur les similitudes entre Silvio Berlusconi et Hosni Moubarak, ajoutait le 26 février dernier dans le Telegraph :

Intellectuellement parlant, une comparaison pourrait être faite avec Hitler, qui est aussi arrivé au pouvoir par des élections libres.

Les deux leaders contestés ont par ailleurs pour point commun une certaine propension à minimiser leur pouvoir. D’abord Berlusconi, en mai dernier : “En tant que premier ministre, je n’ai jamais eu le sentiment d’être au pouvoir.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et Kadhafi, aujourd’hui : “Ce régime, c’est celui de la souveraineté du peuple. (…) Je ne suis qu’un symbole.” Autre similitude troublante : alors que l’un, non content de posséder la majorité des médias de son pays, se permettait récemment d’appeler en direct un animateur pour le prendre à partie, l’autre monopolise sans vergogne l’antenne de sa télévision nationale, pour y tenir des discours de plus de trois heures.

Choix stratégique

La différence évidente entre Berlusconi et le Colonel sanguinaire, Umberto Eco n’omet tout de même pas de la relever : “Berlusconi n’est pas un dictateur comme Moubarak ou Kadhafi, car il a remporté les élections avec le support d’une large majorité d’Italiens”, ajoutant que “c’est triste, mais c’est ainsi”. Dès lors, au lieu de s’enfoncer dans un impossible soutien à son ancien “ami”, Silvio Berlusconi a-t-il choisi d’alerter l’Union Européenne sur les enjeux humains de la crise libyenne. Son meilleur coup? Avoir été le premier, le 1er mars, à décider d’envoyer une mission humanitaire en Tunisie, pour aider les milliers de réfugiés venus de Libye.

Entre le dictateur “ami” et son peuple, le Président du Conseil a sans doute fait un choix plus stratégique que purement philanthrope. Lui-même risquant aujourd’hui quinze ans de prison, et ayant dû faire face à la colère de centaines de milliers d’Italiennes indignées par ses frasques sexuelles, il fait désormais savoir qu’il entend “aller en Afrique construire des hôpitaux” dès la fin de son mandat… Voici donc un “Divorce à l’italienne” beaucoup moins réjouissant que le film du même nom réalisé en 1961 par Pietro Germi, avec Marcello Mastroianni.

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Crédits photo: Flickr CC aenastudios, europeanspeopleparty

Retrouvez notre dossier ainsi que l’ensemble de nos articles sur la Libye.

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Les journalistes italiens se mobilisent contre la “loi-baillon” de Berlusconi http://owni.fr/2010/07/01/les-journalistes-italiens-se-mobilisent-contre-la-loi-baillon-de-berlusconi/ http://owni.fr/2010/07/01/les-journalistes-italiens-se-mobilisent-contre-la-loi-baillon-de-berlusconi/#comments Thu, 01 Jul 2010 19:01:31 +0000 Federica Cocco http://owni.fr/?p=20949 Un jour de février comme les autres, à 13h00. Le moment du repas de midi pour de nombreux foyers. Ariana Ciccone, elle, n’arrive pas à avaler ce qui deviendra la dernière goutte de la longue saga de la désinformation sur la télévision publique italienne. Cette saga connaît son apogée aujourd’hui, alors que des milliers de citoyens et de journalistes descendent dans la rue pour proclamer le droit de savoir ce qu’il se passe dans la coulisse de l’élite italienne au pouvoir.

Au journal de la Rai Uno, chaîne détenue par l’Etat, le présentateur annonce que le Premier ministre italien a été “absous” dans le procès de David Mills, le mari d’une ancienne ministre anglaise, Tessa Jowell, accusé d’avoir accepté un pot-de-vin du Cavaliere.

La controverse n’est pas directement venue du fait que Berlusconi n’ait pas été déclaré coupable. Le procès a en effet été bloqué par un texte législatif taillé sur mesure, puisqu’il instaure un “empêchement légitime” pour le chef du gouvernement italien à assister aux deux procès dont il fait l’objet. Ce texte est l’aboutissement d’une longue campagne visant à réformer le système judiciaire italien, qui consiste à l’inculpation du corrompu en lieu et place du corrupteur.

La dernière étape était de s’assurer que l’opinion publique serait amenée dans la bonne direction.

A ce moment précis, Augusto Minzolini (directeur du principal programme d’information de la Rai), est devenu la cible d’Arianna. Il incarnait en effet tout ce qui pose problème tant dans le journalisme que dans l’information en Italie.

C’est ainsi que s’est créé le groupe Facebook: “Dignité et Respect pour les citoyens”. Ce groupe rassemble aujourd’hui  150 000 signataires qui appellent à la rectification de la manière dont le procès de Berlusconi a été couvert.

Aujourd’hui 1er juillet, les citoyens italiens alliés à Valigia Blu ont défilé dans les rues (réelles et virtuelles), afin de protester contre une nouvelle loi, appelée “loi Alfano” ou “loi bâillon”, une loi anti-écoutes téléphoniques déjà approuvée par le Sénat le 12 juin. Les peines prévues pour ceux qui l’enfreindraient sont sévères: des amendes allant jusqu’à 450.000 € et jusqu’à un mois de prison pour les journalistes.

Ce dispositif a été mis en place pour interdire les fuites de conversations téléphoniques ou enregistrées secrètement au cours d’enquêtes criminelles dans les médias traditionnels autant que sur Internet. Ce projet de loi devrait être approuvé par la chambre des députés.

Une manifestation contre Berlusconi, Place du Peuple, à Rome

Plusieurs conversations de cet ordre ont conduit à des désillusions majeures pour le premier ministre et ses apparatchiks.

La manifesation, soutenue par le principal parti d’opposition, le parti démocrate, est suivie de près par plusieurs sites Internet, dont Diritto di Critica.

Arianna n’a pas d’appartenance politique. Elle est l’une des organisatrices principales du Festival International du Journalisme de Pérouse, et est devenue au fil du temps une figure-clé du mouvement. Elle a pris le temps d’expliquer à OWNI les raisons profondes qui soutiennent le mouvement.

Chaque citoyen devrait se révolter contre une loi qui entrave les magistrats et bâillonne l’information

“Chaque citoyen devrait se révolter contre une loi qui entrave les magistrats et bâillonne l’information”, décrypte Arianna en soulignant le manque d’intérêt politique accordé à ce type d’activisme. “J’ai été motivée par le droit de savoir et la liberté de la presse. Dans un pays entaché par les conflits d’intérêt dans lesquels notre premier ministre est impliqué, nous agissons en tant que chiens de garde. Pas seulement pour l’information, mais également en ce qui concerne les services publics, qui sont en ce moment entre les mains de divers partis politiques“, ajoute-t-elle.

“Je ne vois pas Valigia Blu comme un mouvement organisé. Ou même comme un mouvement en soi. Il a grandit grâce aux réseaux sociaux comme Facebook. Notre groupe “Dignité et respect” compte plus de 15.000 membres, la page rassemble 16.000 fans, et le site en lui même compte pus de 2000 abonnés. Nous sommes simplement des citoyens engagés”.

Les opposants aux mises sur écoute arguent du fait que le procédé prive des individus de leur droit à la vie privée: “Quand cela touche des personnages publics, on devrait tout savoir à leur sujet. Il est bien sûr nécessaire de protéger les innocents impliqués dans ces conversations enregistrées, notamment par le biais d’extraits. La défense et le procureur peuvent décider, en accord avec un juge indépendant, des extraits qui ne devraient pas être publiés. La vie privée est plus souvent qu’il ne le faudrait utilisée comme un excuse. Ce projet de loi est pensé pour protéger la classe dirigeante et ses pratiques véreuses, sans oublier le fait qu’il priverait les magistrats d’un outil d’investigation fondamental dans la lutte contre le crime organisé”.

Un courant parallèle a émergé au sein de Valigia Blu. Si la loi passe, ses membres promettent de ne pas la respecter. “Arrestateci tutti“, disent-ils…

Arrêtez-nous tous

Retrouvez l’article en anglais ici

Interview réalisée par Adriano Farano, traduction Guillaume Ledit

Credit photos: CC FlickR lo spacciatore di lenti


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http://owni.fr/2010/07/01/les-journalistes-italiens-se-mobilisent-contre-la-loi-baillon-de-berlusconi/feed/ 3
Italian Journalists say no to prison with Berlusconi’s “gag law” http://owni.fr/2010/07/01/italian-journalists-say-no-to-prison-with-berlusconis-gag-law/ http://owni.fr/2010/07/01/italian-journalists-say-no-to-prison-with-berlusconis-gag-law/#comments Thu, 01 Jul 2010 14:07:40 +0000 Federica Cocco http://owni.fr/?p=20739 It was at 1:30 pm, a regular day in February, lunch time in many households, that Arianna Ciccone found she could consume no more of the enduring saga of misinformation on public television. This episodes culminates today, July 1st, as thousands of journalists and citizens take to the street to assert their right to know what happens behind the closed doors of the Italian power élite.

On the news of state-owned channel Rai Uno the presenter announced that the Italian Prime Minister had been “absolved” in the trial that found David Mills – husband of former British cabinet minister Tessa Jowell – accused of taking a bribe from the Italian politician.

The contention grew out of the fact that Berlusconi had not been absolved, the trial had been statute barred. This was the outcome of an intense campaign to reform the justice system in Italy, which succeeded in indicting the bribed but not the briber.

The last step was to make sure that public opinion was steered in the right direction.

At that very moment Augusto Minzolini – editor of Rai Uno’s main news program – became Arianna’s target, as he was personifying what was wrong with Italian journalism and information at the time.

This is how the Facebook group “Dignity for Journalists and Respect for citizens was born. Now this very group has gathered around 15,000 signatures calling for the rectification of the news story regarding Berlusconi’s trial.

Today, July 1st, the netizens of Italy and allies of Valigia Blu – will be taking to the streets – virtual and real – to protest against a new law, known as Alfano Law or “gag law”, an anti-phone tapping bill already “greenlighted”on June 12 by the Italian Senate. The penalties for those who violate this law are severe: fines of up to € 450.000 for editors or even detention for up to one month for journalists.

It was put into place to prohibit the leaking of phone and wire-tapped conversations on criminal probes to mainstream media, as well as online media. The bill is now due to receive final approval from the lower house of parliament or Chamber of Deputies. The steering continues.

Many wiretapped conversations have led to a widespread disillusionment with the Prime Minister – known as Il Cavaliere, the Knight, due to his government-endowed title – and his apparatchiks.

The main protest – called on by the National Press Federation – will take place in Piazza Navona in Rome, but it will also flow through the channels of online activism. It will be live streamed on websites such as YouDem.tv, supported by the Democratic Party, i.e. the main opposition body. Other websites, such as Diritto di Critica, are closely following and supporting the protest.

A protest against Berlusconi in Piazza del Popolo, Rome.

Arianna doesn’t have a political background. She was previously an organiser involved with the renowned International Festival of Journalism in Perugia, and is now a key figure in this movement. Arianna took the time to explain to OWNI the reasons behind her movement’s momentum.

All citizens should revolt against a law that shackles magistrates and gags information

“All citizens should revolt against a law that shackles magistrates and gags information”, Arianna elucidates, underlining the lack of political interest attached to this type of activism. “I have been mobilised by the right to know and to freedom of press [...] In a country stained by the prime minister’s gross conflict of interest we act as watchdogs, not just for information but also public services which at this moment are in the hands of the various political parties”, she adds.

“I don’t see Valigia Blu as an organised movement. Or even as a movement in itself. It grew within social networks like Facebook. Our “Dignity and respect” group has more than 200.000 members, the fan page has 16000 fans, whereas the website in itself has no more than 2000 subscribers. We are merely committed citizens.”

Wiretapping opponents mostly argue that these leaks deprive individuals of their right to privacy: “When it comes to public figures, everything about them should be known. If there is a need to protect those who, though involved in tapped conversations, are innocent, one can resort to hearing excerpts. The civil defence and the public prosecutor can decide, along with an independent third-party judge, what material should not be published. Privacy is more often than not used as an excuse. This bill is set to protect the ruling class and the shady practices of white collar workers. Not to mention depriving magistrates of one of the main tools of investigation against organised crime”.

In the meantime a parallel current has emerged within Valigia Blu. If the bill passes their pledge is to violate it. “Arrestateci tutti“, they say.

Put us all in prison

The interview was conducted by Adriano Farano

Pictures Credit: CC FlickR lo spacciatore di lenti

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http://owni.fr/2010/07/01/italian-journalists-say-no-to-prison-with-berlusconis-gag-law/feed/ 5
MEP Sandrine Bélier: A Wave of Internet Censorship Threatens Europe http://owni.fr/2010/02/17/mep-sandrine-belier-acta-hadopi-loppsi-internet-censorship-europe/ http://owni.fr/2010/02/17/mep-sandrine-belier-acta-hadopi-loppsi-internet-censorship-europe/#comments Wed, 17 Feb 2010 18:34:02 +0000 Sandrine Bélier http://owni.fr/?p=8439 libertyok2

[MAJ] 20/02/2010 > Our colleagues from 2-ufer translated the article in german : danke /-)

Italy, Germany, Great-Britain, Spain, Bulgary … Internet control and censorship is getting organised. In France, the government says we wouldn’t have to worry – Are we sure about that ? asks Sandrine Bélier, the 36 years-old Green Member of the European Parliament.


When I expressed my fears about the potential abuses in terms of surveillance and their effects on civil liberties and individual freedom, Nathalie Kosciusko-Morizet, currently in charge of digital economy in Sarkozy’s government, wanted to give me reassurances : “France is not China”.

FRANCE : from HADOPI to LOPPSI

In fact, French government tries to reinforce its control of the web. The HADOPI law, adopted few months ago, attempts to control and regulate Internet access as a means to encourage compliance with copyright laws. “HADOPI” is the government agency created by the eponymous law. This agency will be in charge of setting up the so-called three-strike sanction, or graduated response, which sees consumers disconnected after a number of notification letters warning that they are violating copyright.

Despite a strong mobilisation from bloggers, journalists and web activists, the law passed, and we are now waiting for it to come into effect … Right now, the LOPPSI bill is triggering additional reactions. LOPPSI is a bundle of repressive measures concerning video surveillance cameras, traffic control or intelligence services.This bill allows French Home Office to blacklist illegal websites i.e. providing child pornography. Internet service providers will then have to block those sites.

The European Parliament strikes back

“France and Europe are not China”. One question then : how should we explain the conflict about the amendment 138 to the Telecom Package, also known as the “anti-Hadopi amendment” in the European Parliament ?

This amendment was finally adopted and says that “measures taken regarding end-users’ access to or use of services and applications through electronic communications networks shall respect the fundamental rights and freedoms of natural persons, including in relation to privacy, freedom of expression and access to information and the right to a judgement by an independent and impartial tribunal…” However, at the end of 2009, the Council of the European Union (under France’s pressure) made some considerable efforts to erase from the 138th amendment the expressions “exceptional circumstances” presumption of innocence” and ” impartial procedure”. It also added multiple exceptions to civil liberties. Why? Some said that the Council aimed at forcing an anti web-control Parliament to compromise. I see it as a bad omen that shows a will to restrain free use of the web, with no warranties to secure Internet users’ rights. I see it as a serious threat to freedom of information, to freedom of expression and to personal data confidentiality.

Demonstrations in Sofia

If France has HADOPI and LOPPSI, Bulgaria has its burden too. Hundreds of citizens demonstrated in Sofia, shouting “Bulgaria is not Big Brother, 2009 is not 1984!”. The AFP says that this demonstration gathered people from 38 NGOs protesting against the adoption of a bill that “authorizes the surveillance of Internet and mobile communications for people that are suspected of an offense or a crime punishable by at least two years’ emprisonment. The police will be able to do so without asking the permission to a judge. Supposed to strengthen the fight on crime, this proceeding is made to speed up all the process of putting someone under surveillance”.

Mobilization in Spain

In Spain, citizens are protesting against the Government since a bill on “sustainable economy” plans the creation of an “intellectual property commission”. This commission would have the power to block websites that allow to download music, movies and videogames. The citizen response was immediate : bloggers, journalists, artists and people working on the Internet gathered around a “Manifesto for the defense of online fundamental rights”. The text was published on more than 58.000 blogs in a few hours !

The signatories agreed that “copyright cannot be placed above citizens’ fundamental rights like privacy rights and freedom of expression. These rights cannot be suspended outside justice”.

Italy : threats to video broadcasting

In Italy, Berlusconi’s governement initially proposed to extend to the Internet the same restricting rules applying to television. Those rules are strict: to broadcast something, you have to get the authorization of the communication ministry! The targets? Online broadcast platforms like Youtube or Dailymotion and all the independent webTVs… Officially, it is not censorship, just a way of balancing rights and obligations… [The proposal has been watered down in current days after wide protests among activists and the Communication authority itself].

ACTA : secret negotiations

“Europe is not China”… But what shall we then again think about the ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement) top secret negotiations ? European countries are part of the negotiations, but not China. Leaks from some confidential documents clearly states that one of this treaty’s goals is to lead the states to adopt repression measures against file sharing like the three-strike sanction or Internet filtering.

The European Parliament, in its 11th march 2009 resolution, asked for more transparency on this negotiations. We haven’t been heard yet. This lack of transparency is particularly worrying if not intolerable and against the European Union democratic values.

Europe and France are not China. But we need to guarantee our citizens and web users the protection against all potential abuses and detrimental to civil liberties and individual freedom. Citizens have to be protected against technologies and public or private organisations that can monitor their online activities.

I agree with Tim Berners Lee, inventor of the World Wide Web, when he states :
“I want to know if I look up a whole lot of books about some form of cancer that that’s not going to get to my insurance company and I’m going to find my insurance premium is going to go up by 5% because they’ve figured I’m looking at those books”

It would have been fairer and more reassuring to secure web users’ rights first. This is not our governments perspective. And at the time when French Parliament debate on LOPPSI, we created an Internet Core Group at the European Parliament. Its goal is to put forward an “Internet Bill of Rights” to the European Commission.

It would have been better to start by this move. But – and it’s not some unrealistic thought – I fear that our governments’ purpose is not to secure those rights today.

» The original article (in French) : Hadopi, Loppsi : les censeurs du net s’organisent

» Translation by Guillaume Ledit (and a litte bit by Adriano Farano) /-)

» Illustration by Loguy

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